L'AGNUS DEI

DESCRIPTION

Un Agnus Dei est une médaille de cire vierge et blanche provenant du cierge pascal des années précédentes et dont la bénédiction est réservée au Pape. D'un côté, il porte la réprésentation de l'Agneau pascal, de l'autre, celle d'un(e) saint(e) choisi(e) à la convenance du Pape. Primitivement, chacun des deux côtés était marqué à l'effigie de l'Agneau couché sur le livre aux sept sceaux dont parle l'Apocalypse (Ap 5, 5), la tête entourée d'un nimbe crucifère, tenant contre une épaule l'étendard de la croix, et autour de lui ces paroles de S. Jean-Baptiste : Ecce Agnus Dei, qui tollit peccata mundi, Voici l'Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde (Jn 1, 29), et, en-dessous, le nom du Pape qui a fait la bénédiction, l'année de celle-ci et les armes du Pape.

ORIGINE ET CONFECTION

L'origine des Agnus Dei est mal connue. Voici ce qu'on peut lire dans un Ordo romain (calendrier des cérémonies religieuses à Rome) du IXe s. : « Le Samedi Saint, de bon matin, l'archidiacre vient à l'église ; il verse la cire dans un grand bassin bien propre, il y mêle de l'huile, il bénit la cire et il en fait des représentations de l'agneau qu'il conserve en un endroit convenable. Dans l'octave de Pâques, ces Agnus sont distribués par l'archidiacre, dans l'église et après la communion, au peuple qui les emporte à la maison pour s'en servir au besoin. »

À partir du Xe s., si c'est encore l'archidiacre qui bénit les Agnus, le Pape lui-même les distribue aux fidèles le samedi après Pâques. Ce rite ne va guère varier jusqu'au XIIe s. inclusivement. Au XIIIe s., un Ordo romain, rédigé par le cardinal Cencio Savelli, futur Pape Honorius III, indique quelques changements : la confection des Agnus revient, non plus à l'archidiacre, mais aux acolytes pontificaux qui offrent ensuite au Pape une corbeille pleine d'Agnus bénits au moment où il se met à table. Un Ordo du XIVe s. mentionne la cérémonie de cette offrande : un des acolytes se présente devant le Pape en chantant trois fois ces paroles : Domine, domine, isti sunt agni novelli qui annuntiaverunt alleluia, modo veniunt ad fontes, repleti sunt claritate, alleluia ; Seigneur, seigneur, voici les agneaux nouveaux qui ont annoncé l'Alléluia. Il n'y a pas longtemps qu'ils ont été à la fontaine, ils sont maintenant fort clairs. Alléluia. À cette époque, pour bénir les Agnus, on se sert de la formule usitée pour la bénédiction des cierges à la Chandeleur, et l'on trouve déjà la cérémonie que l'on appelle vulgairement le baptême des Agnus. Quant à leur bénédiction, elle ne se fait alors que la première année de chaque pontificat et ensuite tous les sept ans.

À la fin du XVe s., en raison des faussaires qui mettent à profit le désir des fidèles de posséder des Agnus, par une bulle du 21 mars 1470, le Pape Paul II prend la mesure de réserver exclusivement au Pape la fabrication, la bénédiction et la distribution des Agnus. Le cérémonial de ces rites sera définitivement fixé à partir du XVIe s. : le baume et le Chrême ne sont plus mêlés à la cire, mais à l'eau destinée au baptême des Agnus ; la cérémonie dans laquelle l'acolyte apportait une corbeille d'Agnus à la table du Pape a également disparu ; le moulage des Agnus enfin est confié à des religieux ; leur bénédiction se fait publiquement durant la semaine de Pâques.

SYMBOLISME

Les rites de la confection et de la bénédiction des Agnus Dei ont leur symbolisme. La cire vierge rappelle la nature humaine de Jésus-Christ, prise dans le sein immaculé de la Très Sainte-Vierge Marie. Parce qu'elle est destinée à représenter la pureté de l'Agneau pascal, cette cire a dû subir préalablement une préparation chimique qui lui ôte sa couleur jaunâtre et lui donne une blancheur éclatante.

Le baume signifie la bonne odeur de Jésus-Christ, que les chrétiens, par leur piété et leurs bonnes oeuvres, doivent répandre autour d'eux.

Quant au saint chrême, il représente la charité dont doit être animé le disciple fidèle du divin Rédempteur.

VERTUS ET USAGE

On attribue aux Agnus Dei des vertus particulières semblables à celles que possèdent, par exemple, l'eau bénite, et l'Église les a rangés au nombre des sacramentaux, c'est-à-dire parmi les objets bénis dont les chrétiens doivent faire un pieux usage et qui attirent sur ceux qui les conservent la protection divine, pourvu que, par ailleurs, ils prient et soient fidèles aux commandements divins.

En quelques vers significatifs, le Pape Urbain V décrivait admirablement les vertus de l'Agnus Dei : Les tonnerres, il chasse ; Les péchés, il efface ; Sauve d'embrasement et de submergement ; Garde de mort subite ; Les diables met en fuite ; Dompte les ennemis ; Hors de danger sont mis et l'enfant et sa mère qui travaille à le faire ; Il donne maints pouvoirs aux dignes de l'avoir ; La part, quoique petite, tant que la grand profite.

Offrant des Agnus Dei à Elien Spinola de Gènes, le Pape Paul II écrivait quant à lui qu'ils sont un donum pretiosum, non magnum, sed virtute et gratia maximum ; un don précieux, pas grand en lui-même, mais très grand par la puissance et par la grâce.

Les trois prières de bénédictions prononcées sur les Agnus sont aussi révélatrices des grâces qui leur sont attachées :

Première prière — Dieu, auteur de toutes les sanctifications, vous qui avez agréé l'agneau du sacrifice d'Abel ; vous qui, à la place d'Isaac, avez voulu que l'on sacrifiât un bélier ; vous qui avez ordonné à Moïse d'offrir des sacrifices, nous vous supplions ardemment de bénir et de sanctifier ces images de cire représentant l'Agneau très innocent, pour qu'à leur présence la grêle, les trombes, les tempêtes, les vents et les tonnerres soient dissipés ; et, comme à la vue du sang dont le peuple avait marqué le seuil de ses maisons, l'ange exterminateur épargna les maisons ainsi aspergées, de même, qu'à la vue de ces images les malins esprits tremblent et s'enfuient ; que ceux qui les portent soient délivrés de la mort imprévue ; que l'ennemi n'ait aucun pouvoir sur eux ; que nulle adversité ne domine sur eux ; que nulle ténèbre ne leur fasse peur ; que la pestilence ou la corruption de l'air ne leur fassent point mal ; que les maladies contagieuses ne les atteignent pas ; que ni les tempêtes de la mer, ni l'incendie, ni l'inondation ne leur nuisent ; par l'invocation de votre Fils unique, Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui vit et règne avec vous dans l'unité du Saint- Esprit dans tous les siècles. Amen.

Deuxième prière — Seigneur Jésus-Christ, qui êtes le véritable Agneau innocent, immolé pour le Salut du monde sur l'autel de la croix, vous dont la mort a racheté l'humanité de la mort éternelle et l'a arrachée au pouvoir du démon pour la rappeler à la vie, daignez bénir, sanctifier et consacrer ces images de cire représentant l'Agneau. Que ceux qui les portent dévotement par révérence et en l'honneur de votre nom soient délivrés de la mort subite et de toute mauvaise attaque de l'enfer ; que par la vertu de votre Passion les douleurs des mères qui enfantent soient tellement adoucies que la mère et l'enfant soient conservés sains et saufs. Vous qui vivez et régnez dans l'unité du Saint-Esprit dans tous les siècles. Amen.

Troisième prière — Ô grand Esprit, vous qui fécondez les eaux et les sanctifiez par votre souffle, vous qui changez leur amertume en douceur, daignez bénir, sanctifier et consacrer ces agneaux de cire qui vont être plongés dans l'eau et le saint Chrême. Que tous ceux qui les porteront, forts de votre force, jouissent de vos consolations ; vous qui êtes vraiment le Paraclet et qui vivez et régnez éternellement avec le Père et le Fils. Amen.

De même, cette bénédiction datant de 1662 :

Qu'il efface les péchés, qu'on impètre pardon, qu'il confère les grâces.
Que le touchant et voyant les Chrétiens soient mus à louer Dieu.
Que le bruit de l'air, grêles, neiges et tempêtes, la furie des Vents et des Tonnerres soient modérés et arrêtés.
Que devant le Salutaire et glorieux étendard de la Croix qui y est figuré les esprits malins s'épouvantent et s'enfuient.
Que celui qui les porte, aie vertu contre les illusions, tromperies, astuces et fraudes du Diable et des esprits malins.
Qu'aucune tempête, adversité, air pestilentiel ou corrompu, ni mal caduc, aucune tourmente, tempêtes de mer, aucun feu ou autres injures de temps ne puissent offenser, nuire, ni préjudicier à celui qui le portera dévotement sur soi.
Qu'en l'accouchement soient conservées la Mère et l'enfant.
Que tous ceux qui le portent puissent être toujours en sûreté, qu'ils ne craignent aucun péril, qu'ils n'aient pas peur des ombres, qu'aucune cruauté du Diable ne les endommage, qu'ils ne puissent être trompés des hommes, qu'ils soient exempts de tous périls de feu, de foudre, de tourmente et tempêtes.
Et que les femmes enfantent sans travail et soient délivrées de mal et de tout danger.

LES AGNUS DEI AUJOURD'HUI

Élu Pape en juin 1963, Paul VI a béni des Agnus Dei lors de la Pâque de 1964. Alors que, selon l'antique tradition, il aurait dû en bénir à nouveau en 1971, il n'en fit rien, et ceci sans aucune explication officielle. Depuis, aucun souverain pontife, sauf Jean-Paul II lors du grand Jubilé de l'an 2000, n'a repris ce rite de la bénédiction des Agnus Dei.

Ceux qui ont la grâce d'en posséder sont invités à réciter quotidiennement la prière suivante :

Jésus, mon Sauveur, véritable Agneau de Dieu qui enlèves les péchés du monde, je supplie ton infinie Miséricorde de pardonner mes iniquités. Par ta Passion sacrée, je te supplie de me préserver du péché en ce jour et de me garder de tout mal. Pour ton honneur et ta gloire, je porte sur moi cet Agnus Dei, protection pour mon âme et mon corps et qui m'incite à pratiquer les vertus que tu nous as enseignées, spécialement la douceur, l'humilité, la pureté et la charité.

En mémoire de ton sacrifice d'amour offert pour moi et pour toute l'humanité au Calvaire, je te consacre tout mon être. Oui, tu es mort sur la croix par amour pour moi. Puisse-je moi aussi mourrir sur la croix par amour pour toi, mourrir à moi-même par amour pour toi ! Garde-moi dans ton amour et dans ta grâce jusqu'à la fin de ma vie, afin que je puisse te bénir à jamais au Ciel avec tous les saints. Amen.