COMMENTAIRE DU PSAUME 1

Introduction

Le Psaume 1 est un poème anonyme et sapientiel qui oppose le bonheur du juste plongé en Dieu, absorbé dans la méditation de la Torah (la Loi, l'enseignement divin) en vue d'y puiser ses principes d'action, et la ruine à laquelle se vouent les impies. Deux destinées donc, celle du fidèle de YHWH et celle du contempteur de Sa Loi, que le psalmiste voit se dessiner dans le présent d'une rétribution immédiate, mais aussi dans la perspective d'un jugement eschatologique (final) de Dieu.

Avec le Psaume 2 qui, comme lui, ne porte pas de titre, le Psaume 1 sert de préface au Psautier. S. Jérôme en parlera comme de la præfatio Spiritus Sancti, « la préface du Saint-Esprit », et S. Thomas d'Aquin comme le titulus totius operis, « le titre de toute l’œuvre ».

1 Heureux l'homme,
qui ne va pas au conseil des impies,
et dans la voie des pécheurs ne se tient pas,
et dans le siège des moqueurs ne siège pas,

 Ce verset définit le juste par la négative ; il est une sentence d'introduction au portrait de l'homme juste et une promesse de bonheur adressée à l'homme en général. Si le juste peut devenir heureux, c'est d'abord parce qu'il ne pactise pas avec le mal, avec « les impies » (82 occurrences dans le Psautier ; « pécheur » 6x[1] ; « railleurs », une autre occurrence au Ps 119, 51), c'est-à-dire ceux qui sont hostiles à Dieu et à ses Commandements, ceux qui ne se fient qu'à eux-mêmes. L'aversion du péché est l'une des conditions du bonheur. Celui-ci[2] ne repose pas sur la possession d'un bien matériel, mais sur une attitude morale et religieuse exemplaire, et il vient de Dieu.

2 mais plutôt a son plaisir dans la Torah du Seigneur,
et dans Sa Torah roucoule jour et nuit,

Après la définition par la négative, celle par la positive. L'aversion du péché doit se doubler d'une conversion à Dieu (Éloigne-toi du mal et fais le bien, dit le Psaume 37, 27) pour que la promesse de bonheur soit tenue. Le juste cherche en Dieu-même les principes de son action. Il murmure sans cesse Sa Loi, Son enseignement et Ses Commandements présents dans les Écritures. Cette méditation du juste se retrouve en d'autres psaumes ; elle a pour thème la justice de Dieu (Ps 35, 28 ; 71, 24), la sagesse (Ps 37, 30), Dieu Lui-même (Ps 63, 7), Ses œuvres et Ses actions (Ps 77, 13 ; 143, 5), et s'oppose à la méditation sur des vanités (Ps 2, 1) ou sur la tromperie (Ps 38, 13).

3 alors il est comme un arbre planté aux bords des eaux
qui donne son fruit en son temps,
et son feuillage ne sèche pas,
et tout ce qu'il fait réussit.

Le choix de Dieu fait par le juste a pour corollaire, sous forme ici de promesse, la bonté de ses œuvres et une vitalité que rien ne peut entamer (Jr 17, 7-8). Le succès de celui qui demeure en Dieu est garanti (Jos 1, 8) ; d'où la comparaison avec un arbre fécond et beau, image que l'on retrouve au Ps 92, 13-15. La raison et la Révélation montrent néanmoins qu'il ne s'agit pas nécessairement d'une réussite temporelle. Le centuple est promis ici-bas à celui qui aura tout quitté pour le Christ, mais également les persécutions (Mc 10, 30). S. Paul le redira à Timothée : « Tous ceux qui veulent vivre dans le Christ avec piété seront persécutés » (2 Tim 3, 12).

4 Pas ainsi ne sont les méchants,
mais plutôt comme bale que disperse le vent.

À l'image stable de l'arbre enraciné et bien vivant qui correspond au juste, succède en contraste celle de la bale emportée par le vent lors du vannage (Ps 35, 5) appliquée à l'impie. Chouraqui écrit à ce sujet : « Le réprouvé a de la paille, la légèreté, la sécheresse et la stérilité ».

5 C'est pourquoi les impies ne se lèvent pas au jugement,
ni les pécheurs au concile des justes,

Fondamentalement, en 5a, il s'agit de l'interdiction faite aux “non justes” de se lever dans les réunions publiques où se déroulent les procès et se discutent les affaires ; en 5b, de leur exclusion des assemblées cultuelles au Temple. Par delà ces excommunications actuelles sociale et liturgique se profilent les perspectives eschatologiques de la justice divine venant châtier les méchants et récompenser les justes[3] (cf. Sg 5).

6 car le Seigneur connaît la voie des justes,
mais la voie des impies perd.

Ce verset synthétise tout le Psaume en un avertissement final lapidaire, en même temps qu'il donne la raison de la divergence de destinée des justes et des impies. Dieu « connaît » la voie des justes, c'est-à-dire l'aime ; Il affectionne les justes et s'occupent d'eux[4]. Le chemin que suivent les impies conduit en revanche à la perdition, à la non victoire.

Conclusion

Le Psaume 1 présente les acteurs que met en scène le Psautier : Dieu, le juste / les justes, l'impie / les impies. L'opposition entre le juste / les justes qui cherche(nt) Dieu et l'impie / les impies qui s'en détourne(nt) se poursuit tout au long du Psautier. La victoire des justes et leur parfaite louange de Dieu ne seront atteintes qu'au Psaume 150.

NB : En hébreu le premier mot du Psaume commence par un Aleph, première lettre de l'alphabet hébraïque, et le dernier par un Taw, dernière lettre de l'alphabet hébraïque. C'est donc toute la vie de l'homme qui est comme condensée dans ces versets.

[1] Ps 1, 1.5 ; 25, 8 ; 26, 9 ; 51, 15 ; 104, 3.

[2] En hébreu, le terme acherey est un pluriel ; on peut le traduire par « Bonheurs ». Il se trouve 25 fois dans le Psautier.

[3] 52 occurrences du terme “juste” dans le Psautier.

[4] Grammaticalement, il est possible de traduire le v. 6a par : « Le chemin des justes connaît YHWH ».