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Sur le jeûne

LE JEÛNE SELON DIEU

Jésus, le Christ, dans son fameux enseignement sur la montagne tel que nous le rapporte l’évangile selon St Matthieu, mentionne trois formes de piété et de pénitence : l’aumône, la prière et le jeûne (Mt 6, 1-18) « qui expriment la conversion par rapport à soi-même, par rapport à Dieu et par rapport aux autres » (CEC 1434).

Arrêtons-nous ici sur le jeûne qui consiste à se priver totalement ou partiellement de nourriture et de boisson, sur une plus ou moins longue période de temps.

En soi, le jeûne n’est pas un acte religieux. En effet, il peut être pratiqué uniquement pour des raisons médicales ou de bien-être corporel et psychologique. De là, l’existence de cliniques et de centres de jeûne. On sait très bien et depuis fort longtemps combien cette pratique, menée avec prudence, favorise l’élimination des toxines et permet de se sentir mieux dans son corps et dans sa tête. D’ailleurs, en plus de cacher la grise mine qu’engendre parfois le jeûne, c’est peut-être aussi à cause des mauvaises odeurs qui en résultent que Jésus enseigne de se parfumer la tête et de se laver le visage lors d’une période de jeûne afin que celui-ci ne soit pas connu des hommes, mais de Dieu seul.

Ceci nous amène à considérer le jeûne du point de vue religieux et plus précisément chrétien. Jeûner en effet pour rendre un culte à Dieu et lui exprimer de la sorte qu’il est notre Bien absolu, la Vie de notre vie, c'est ajouter à cet acte de privation la bonté morale de la religion, ou, si c'est pour réparer nos péchés, la bonté morale de la pénitence, ou, si c’est pour acquérir la domination sur nos instincts et la liberté intérieure, la bonté morale de la maîtrise de soi en vue d’aimer en vérité, ou, si c’est pour appuyer la prière afin d’obtenir une délivrance (Mt 17, 21) ou la paix, la bonté morale de l’intercession. Par contre, jeûner simplement pour paraître religieux, être vu des hommes et espérer leurs louanges, c’est assurément agir par vaine gloire et poursuivre une fin mauvaise moralement. Le jeûne ne sera pas non plus agréé par Dieu si le comportement de la personne qui le pratique est en contradiction avec le commandement de l’amour du prochain, comme le rappelle le chapitre 58 du livre d’Isaïe : « Votre jeûne se passe en disputes et querelles, en coups de poing sauvages. Ce n’est pas en jeûnant comme vous le faites aujourd’hui que vous ferez entendre là-haut votre voix. Est-ce là le jeûne qui me plaît, un jour où l’homme se rabaisse ? S’agit-il de courber la tête comme un roseau, de coucher sur le sac et la cendre ? Appelles-tu cela un jeûne, un jour agréable au Seigneur ? Le jeûne qui me plaît, n’est-ce pas ceci : faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs ? N’est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, accueillir chez toi les pauvres sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable ? » (Is 58, 4-7).

Historiquement, la codification du jeûne ecclésial a connu diverses variations selon les âges et les lieux. Ici, nous verrons seulement la manière dont l’Église catholique conçoit le jeûne en ce début du troisième millénaire chrétien. Pour cela, il suffit de consulter les Codes de droit canonique, l’un pour les églises d’occident, l’autre pour celles d’orient. Je m’en tiendrai au premier.

Tout d’abord, un jeûne ou plus exactement une abstinence est demandée avant la messe. En effet, on lit au Canon 919 : « § 1 Qui va recevoir la très sainte Eucharistie s'abstiendra, au moins une heure avant la sainte communion, de prendre tout aliment et boisson, à l'exception seulement de l'eau et des médicaments. § 2. Le prêtre qui célèbre la très sainte Eucharistie deux ou trois fois le même jour peut prendre quelque chose avant la seconde ou la troisième célébration, même s'il n'y a pas le délai d'une heure. § 3. Les personnes âgées et les malades, ainsi que celles qui s'en occupent, peuvent recevoir la très sainte Eucharistie même si elles ont pris quelque chose moins d'une heure auparavant. »

Quant aux jours et temps d’abstinence et de jeûne, on peut lire aux Canons 1250 à 1252 que :

  • 1250 : « Les jours et temps de pénitence pour l'Église tout entière sont chaque vendredi de toute l'année et le temps du Carême. » Chaque vendredi en effet, on commémore la mort du Christ en croix ; quant au Carême, il nous prépare à la fête de Pâques, Solennité des solennités qui commémore sa résurrection dans la gloire.

  • 1251 : « L'abstinence de viande ou d'une autre nourriture, selon les dispositions de la conférence des Évêques, sera observée chaque vendredi de l'année, à moins qu'il ne tombe l'un des jours marqués comme solennité ; mais l'abstinence et le jeûne seront observés le Mercredi des Cendres et le Vendredi de la Passion et de la Mort de Notre Seigneur Jésus Christ. »

  • 1252 : « Sont tenus par la loi de l'abstinence, les fidèles qui ont quatorze ans révolus ; mais sont liés par la loi du jeûne tous les fidèles majeurs jusqu'à la soixantième année commencée. Les pasteurs d'âmes et les parents veilleront cependant à ce que les jeunes dispensés de la loi du jeûne et de l'abstinence en raison de leur âge soient formés au vrai sens de la pénitence. »

Ces règles sont très générales et laissent à chacun une grande liberté d’organiser son jeûne, particulièrement celui du carême, selon les circonstances de sa vie et ses habitudes alimentaires.

Saint Benoît de Nursie, dans sa Règle destinée aux moines vivants en communauté, écrit ceci qui exprime l’importance de la joie de jeûner pour le Seigneur et qui peut très bien convenir à tout chrétien : « Chacun offrira de sa propre volonté à Dieu, dans la joie du Saint-Esprit, quelque chose au-dessus de la mesure qui lui est prescrite, c’est-à-dire qu’il retranchera à son corps sur la nourriture, la boisson, le sommeil, la conversation et la plaisanterie, et qu’il attendra la sainte Pâque avec la joie du désir spirituel » (Règles des moines, chapitre 49). En dernière analyse, le but de ces renoncements, qui ne relèvent pas tous du jeûne au sens strict, est de vaquer à Dieu et d’aspirer aux choses d’en haut, là où nous serons rassasiés de la vision de notre Créateur et Sauveur à qui soit la gloire pour les siècles des siècles ! Amen !