Créer un site internet

COMMENTAIRE DU PSAUME 83

 

 

Introduction

 

Le psaume 83 appartient au troisième livre du Psautier (Ps 73-89). Il conclut le recueil des psaumes d'Asaph (Ps 73-83) et a le caractère d'une supplication du peuple d'Israël face à la menace des nations qui l'entourent. Celles-ci souhaitent en effet le détruire.

 

Le psaume comprend deux parties : 1) Le cri de détresse vers Dieu et l'exposé de la situation dramatique (v. 2-9) ; 2) Les imprécations contre les nations ennemies (v. 10-18).

 

Commentaire

 

1 Cantique. Psaume. D'Asaph.

 

Asaph était l'un des lévites préposés par David à « célébrer, glorifier, et louer Dieu » (1 Chr 16, 4-7) devant l'arche : « David laissa là, devant l'arche de l'alliance de YHWH, Asaph et ses frères, pour assurer un service permanent devant l'arche suivant le rituel quotidien » (1 Chr 16, 37).

 

2 Ô Dieu, ne garde pas le silence,
ne te tais pas, ni ne reste inerte, ô Dieu !

 

Ce verset 2 est construit en chiasme (A-B-B'-A). Comme dans nombre de psaumes, il ouvre la prière par un cri d'appel au secours adressé à Dieu. Le psalmiste demande à Celui-ci de ne pas avoir de répit, de ne pas se taire, de ne pas se reposer. Ces trois verbes qui se suivent marquent l'urgence de la situation et l'insistance du psalmiste. Dieu est instamment prié de faire quelque chose.


3 Car voici que tes ennemis ont frémi,
et ceux qui te haïssent ont relevé la tête.
4 Contre ton peuple ils ont tramé un complot
et ils ont conspiré contre ceux que tu as cachés [LXX : contre tes saints]

 
Voici la raison du cri vers Dieu (car cf. aussi v. 6). Les ennemis de Dieu se sont dressés contre son peuple (v. 4). Ils s'agitent, font preuve d'arrogance, se coalisent contre le peuple de Dieu, lui que le Seigneur « a caché », « mis en réserve », « thésauriser », c'est-à-dire mis à part pour Lui et qui lui est précieux.

 

5 Ils ont dit : "Venez et retranchons-les des nations,
et on ne souviendra plus du nom d'Israël !"

 

Le complot en question vise à faire disparaître Israël et en réalité et de la mémoire des hommes. Quand on sait l'importance de la mémoire pour le peuple juif, on comprend que ce qu'ourdissent ces nations est vraiment infâme.


6 Car ils ont conspiré unanimement,
Contre toi, ils ont fait alliance :


 Face à l'alliance sainte de Dieu avec son peuple, apparaît l'alliance impie des nations qui montrent une certaine unanimité dans le mal. Littéralement, ces ennemis « ont tranché une alliance » (cf. Gn 15, 10). Mais se dresser contre le peuple de Dieu, c'est se dresser contre Dieu (cf. v. 4). C'est pourquoi, le psalmiste en appelle à Lui, car l'honneur divin est en jeu.

 

7 Les tentes d'Édom et les Ismaélites,
Moab et les Hagriens,

 

Ici commence la liste des ennemis. Elle en comprend dix. Édom est le territoire qu'occupaient les descendants d'Ésaü (Gn 36, 10-14.20-28.31-39). Le Ps 137, 7 accuse les édomites d'avoir voulu la destruction totale de Jérusalem en 587. « Les tentes d'Édom » évoquent leur vie nomade. Les Ismaélites sont des nomades des régions désertiques au nord de l'Arabie (Gn 37, 25 ; 39, 1). D'après Gn 16, 15, Ismaël, le fils d'Abraham et d'Agar, est leur ancêtre éponyme. Moab a quant à lui pour ancêtre éponyme, selon Gn 19, 37, le fils de Lot. Il lança de nombreuses incursions contre Israël et Juda (2 R 13, 20 ; 24, 2). Les Hagriens, dont Agar, la servante d'Abraham, mère d'Ismaël, est l'éponyme (Ba 3, 3), sont des bédouins de l'Arabie du nord (1 Ch 5, 10.19-20 ; 27, 31).

 

8 Gebal et Ammon et Amalec,
la Philistie avec les habitants de Tyr.

 

Guébal est vraisemblablement une ville située au sud de la mer Morte dans le territoire d'Édom. Ammon, comme Moab, a pour ancêtre éponyme le fils de Lot (Gn 19, 38) et occupe un territoire de Transjordanie. Amalec a pour ancêtre éponyme un descendant d'Ésaü (Gn 36, 12). Sa relation hostile avec Israël commence dès le séjour au désert après la sortie d'Égypte (Ex 17, 8-16). Les Philistins viennent de Kaphtor (la Crète ?) selon la Bible (Gn 10, 14 ; Dt 2, 23 ; Am 9, 7 ; Jr 47, 4) et sont établis le long de la côte de Palestine. Leurs conflits avec Israël sont mentionnés à de nombreuses reprises (Jg 3, 31.13-16 ; 1 S 7, 7-14 ; 31 ; 2 S 5, 17-25 ; 1 R 16, 15-17). Tyr était la ville principale de la Phénicie. Elle entretint des relations commerciales avec Israël au temps de David et de Salomon (1 R 5, 15), mais plusieurs oracles prophétiques lui sont contraires (Am 1, 9 ; Jr 25, 22...).

 

9 Même Assur s'est joint à eux ;
ils sont venus en aide aux fils de Lot.

 

Assur est peut-être l'empire assyrien défait en 612 avant Jésus-Christ, ou la Syrie des Séleucides (Jdt 16, 3) ou la tribu des Ashurim installée au nord de l'Arabie (Gn 25, 3). Les « fils de Lot » dont il est question sont Moab et Ammon (Gn 19, 30-38 ; Dt 2, 9.19).

 

Le psaume présente donc ces dix peuples ligués contre Israël. Mais historiquement, une telle coalition ne s'est jamais produite, même si plusieurs des ennemis se trouvent dans la liste qui figure en 2 S 8,12 et en 1 Ch 18, 11. Il faut donc plutôt y voir une symbolisation des forces du mal hostiles à Dieu et à son peuple.

 

10 Fais avec eux comme avec Madian et Sisera,
comme avec Jabin au torrent de Qishon.
11 Ils ont été défaits à Endor,
rendus comme du fumier sur la terre.

 

Ici commence les imprécations contre les nations sus-mentionnées. Elles demandent leur défaite et leur extermination à l'aide de comparaisons tirées de l'histoire et de la création, et introduites chacune par un ut ou un sicut.

 

Le psalmiste souhaite que les ennemis d'Israël soient traités comme le furent ceux d'autrefois dont il évoque la défaite : Tout d'abord, les Madianites qui furent vaincus par Gédéon (Jg 6-8). « Le jour de Madian » était resté célèbre. Isaïe l'évoque pour signifier comment on avait brisé un peuple ennemi (Is 9, 3 ; 10, 26) ; puis la victoire de Déborah et de Baraq contre Sisera, le chef de l'armée de Jabin, roi des Cananéens, au torrent de Qishon (Jg 4-5) ; leur extermination est située à Endor que le récit de Jg 4-5 ne mentionne pas. Mais en Jos 17, 11, cette ville est citée avec Taanak et Megiddo, deux villes associées à la défaite des rois de Canaan dans le chant de Déborah (Jg 5, 19). Est ici rappelé que, comble du châtiment, ces ennemis n'ont pas été enterrés.

 

12 Rends leurs chefs comme Orêb et Zeêb,
comme Zébakh et Salmounna, tous leurs prince,
13 eux qui disaient : "Ayons en héritage les pacages de Dieu !"

 

Le psalmiste revient sur les chefs madianites défaits par Gédéon. Orêb « le corbeau » et Zeêb « le loup » sont mentionnés en Jg 7, 25. Zébakh « sacrifié » et Salmounna « refus de protection » le sont en Jg 8, 5. Isaïe situe la victoire sur Madian « au rocher d'Orêb » (Is 10, 26). Que tous ceux qui veulent s'en prendre à Israël soient vaincus comme ces chefs l'ont été !

 

Les « pacages de Dieu » sont la Terre promise, là où Il a mené son peuple comme un troupeau lors de sa sortie d'Égypte.

 

14 Mon Dieu, rends-les comme le chardon roulant
et comme une paille devant le vent.

 

Le sort souhaité aux ennemis est suggéré par deux comparaisons végétales : 1) le chardon roulant galgal en hébreu – ou artichaut sauvage dont la fleur, en forme de roue, virevolte emportée par le vent ; 2) la paille emportée elle aussi par le vent (Is 40, 24 ; Jr 13, 24 ; Jb 13,25).

 

15 Comme le feu qui brûle la forêt,
et comme la flamme qui dévore les montagnes,
16
ainsi tu les pourchasseras par ta tempête
et par ton ouragan tu les effraieras.

 

Le psalmiste demande au Seigneur qu'Il se comporte comme un feu/une flamme et un une tempête/un ouragan vis-à-vis de ses ennemis. Ces deux éléments naturels évoquent la colère divine ; feu : Ps 18, 9 ; 21, 10 ; 29, 7...) ; tempête : Ps 50, 3 ; 107, 25 ; ouragan : Is 5, 28 ; Jr 4, 13 ; Os 8, 7.

 

17 Couvre leurs faces d'ignominie,
et ils chercheront ton Nom, Seigneur !
18 Qu'ils soient honteux et terrifiés à jamais !
Qu'ils soient confondus et qu'ils périssent !
19 Et qu'ils sachent que ton Nom est "Seigneur",
que toi seul est le Très-Haut sur la Terre.

 

« Emplis leur visage d'ignominie » : expression qui est un hapax dans l'Ancien Testament. Mais le second stique du verset 17 montre bien que les imprécations du psalmiste ne visent pas d'abord à l'anéantissement de ses ennemis, mais à leur conversion (cf. v. 19). L'extermination demandée n'est pas absolue. Elle est orientée vers le salut des nations, vers leur reconnaissance de la suprématie divine sur le monde. Par leur châtiment, ces nations sont invitées à se soumettre à Dieu. Sous des aspects très rudes, le Ps 83 a une intention très noble. Au-delà des ennemis historiques, ce sont toutes les puissances hostiles à Dieu et à son règne qui sont visées ici.