LE FEU DE LA CHARITÉ
Extrait de la conférence 207 du livre Conférence aux Prêtres de la Mission
de saint Vincent de Paul
Il ne me suffit pas d’aimer Dieu, si mon prochain ne l’aime pas de même.
Notre vocation est d’aller enflammer le cœur des hommes,
de faire ce que fit le Fils de Dieu, Lui qui vint porter le feu dans le monde pour l’enflammer de son amour.
Que pouvons-nous désirer d’autre sinon qu’il brûle et consume tout ?
Il est donc vrai que je suis envoyé non seulement pour aimer Dieu, mais pour le faire aimer.
Il ne me suffit pas d’aimer Dieu, si mon prochain ne l’aime pas de même.
Je dois aimer mon prochain, fait à l’image de Dieu et objet de son amour,
et tout faire, pour qu’à leur tour, les hommes aiment leur Créateur
qui les reconnaît et les considère comme ses frères, qu’il a sauvés ;
et faire en sorte que, par la charité réciproque, ils s’aiment les uns les autres par amour de Dieu,
qui les a aimés jusqu’à abandonner à la mort son propre Fils pour eux.
C’est cela mon devoir.
Et bien, s’il est vrai que nous sommes appelés à porter au loin et à proximité l’amour de Dieu,
que nous devons en enflammer les nations,
si notre vocation est d’aller répandre ce feu divin dans le monde entier,
s’il en est ainsi, dis-je, s’il en est vraiment ainsi, mes frères,
combien me faut-il moi-même brûler de ce feu divin !
Comment donner la charité aux autres, si nous ne l’avons pas entre nous ?
Observons si nous l’avons, non pas en général, mais si chacun l’a en soi, s’il l’a à la mesure nécessaire ;
parce que si elle n’est brûlante en nous,
si nous ne nous aimons pas les uns les autres comme Jésus Christ nous a aimés
et si nous n’accomplissons pas d’actes semblables aux siens,
comment pourrions-nous espérer diffuser un tel amour sur toute la terre ?
Il n’est pas possible de donner ce que l’on n’a pas.
Le devoir de la charité consiste précisément à faire aux autres
ce que l’on voudrait raisonnablement qu’ils nous fassent.
Est-ce que je fais vraiment pour mon prochain ce que je voudrais qu’il me fasse ?
Observons le Fils de Dieu.
Il n’y a que Notre Seigneur, qui soit si épris de l’amour pour les créatures qu’Il a laissé le trône de son Père,
pour venir prendre un corps soumis à l’infirmité.
Et pourquoi cela ?
Pour établir entre nous, par sa parole et son exemple, la charité prochaine.
C’est cet amour qui l’a crucifié et a accompli l’œuvre admirable de notre rédemption.
Si nous avions un peu de cet amour, resterions-nous les bras croisés ?
Oh ! non, la charité ne peut pas rester désœuvrée,
elle nous pousse à procurer le salut et le soulagement aux autres.