LA MÉDAILLE DE SAINT BENOÎT

Essai sur l'origine, la signification et les privilèges de la médaille de saint Benoît
par
Dom Prosper Guéranger

PRÉFACE

Il n'appartient pas aux hommes de juger les effets
de la puissance et de la bonté de Dieu.
Dans sa Sagesse et sa Providence, il emploie quelquefois,
pour venir à notre secours dans nos besoins,
des moyens d'une extrême simplicité,
afin d'entretenir en nous l'humilité et la confiance filiale.

[...]

Dieu ne se met à notre portée qu'à la condition de s'incliner vers nous.
Quelle grandeur ne fait-il pas paraître, lorsqu'il choisit de simples éléments matériels pour intermédiaires entre  lui et nous,
ainsi qu'il le fait dans les divins sacrements !
N'est-ce pas alors qu'il montre à quel point il est Maître de tout,
jusqu'à confier l'élément même de sa grâce à des formes si humbles et en apparence si vulgaires ?
Dirigée par son Esprit, la sainte Église se plaît à l'imiter de loin, en communiquant la vertu divine qui réside en elle
aux objets qu'elle a sanctifiés pour le secours et la consolation de l'homme.

DE L'IMAGE DE LA CROIX REPRÉSENTÉE SUR LA MÉDAILLE

Il suffit aux chrétiens de réfléchir un moment sur la vertu souveraine de la Croix de Jésus-Christ, pour comprendre la dignité d'une médaille sur laquelle elle est représentée. La Croix a été I'instrument de la rédemption du monde ; elle est l'arbre salutaire sur lequel a été expié le péché que l'homme avait commis en mangeant le fruit de l'arbre défendu. Saint Paul nous enseigne que l'arrêt de notre condamnation a été attaché à la Croix, et qu'il a été effacé par le sang du Rédempteur  ( Col 2, 14) ; enfin la Croix en laquelle l'Église salue notre unique espérance, spes unica, doit paraître au dernier jour sur les nuées du ciel comme le trophée de la victoire de l’Homme-Dieu.

La représentation de la Croix réveille en nous tous les sentiments de la reconnaissance envers Dieu pour le bienfait de notre Salut. Apres la sainte Eucharistie, il n'est rien sur la terre qui soit plus digne de nos respects que la Croix ; et c'est pour cela que nous lui rendons un culte d'adoration qui se rapporte au Seigneur dont le Sang divin l'a arrosée. [...]

La Croix est un objet de terreur pour les esprits de malice ; devant elle ils reculent toujours ; à son aspect ils ne tardent pas à lâcher leur proie et à s'enfuir. Enfin telle est pour les chrétiens l'importance de la Croix, telle est la bénédiction qu'elle apporte avec elle, que, depuis le temps des Apôtres jusqu'à nous, l'usage inviolable a été pour les fidèles d'en produire fréquemment le signe sur eux-mêmes, et, pour les ministres de l'Église, de l'employer sur tous les objets que le caractère sacerdotal leur donne le pouvoir de bénir et de sanctifier.

DE L'IMAGE DE SAINT BENOÎT REPRÉSENTÉE SUR LA MÉDAILLE

L'honneur de paraître sur la même médaille avec l'image de la sainte Croix a été déféré à saint Benoît dans le but de marquer l'efficacité que ce signe sacré a eue entre ses mains. Saint Grégoire le Grand, qui a écrit la vie du saint Patriarche, nous le représente dissipant ses propres tentations par le signe de la Croix, et par ce même signe qu'il fit sur un breuvage empoisonné, brisant le vase, et découvrant le mauvais dessein de ceux qui avaient attenté à sa vie. Si le malin esprit, pour effrayer les frères, fait paraître en feu le monastère du Mont Cassin, saint Benoît dissipe à l'instant ce prestige en produisant sur les flammes fantastiques ce même signe de la Passion du Sauveur. Si ses disciples sont agités intérieurement par les suggestions du tentateur,  il leur indique pour  remède de former sur leur cœur l'image de la Croix. [...]

DES CARACTÈRES QUI SE LISENT SUR LA MÉDAILLE

Outre l'image de la Croix et celle de saint Benoît, la médaille offre un certain nombre de lettres dont chacune représente un mot latin. Ces divers mots réunis forment un sens qui manifeste l'intention de la médaille. Leur but est d'exprimer les rapports du saint Patriarche des moines d'Occident avec le signe sacré du Salut des hommes, et de fournir en même temps aux fidèles un moyen d'employer la vertu de la sainte Croix contre les esprits de malice. Ces lettres mystérieuses sont disposées sur le côté de la médaille où figure la Croix. On doit observer d'abord les quatre qui sont placées entre les branches de cette Croix :

C

S

P

B


Elles signifient : CRUX SANCTI PATRIS BENEDICTI ; en français : Croix du saint Père Benoît. Ces paroles expliquent déjà le but de la médaille.

Sur la ligne perpendiculaire de la Croix elle-même on lit :                           C

S

S

M

L

ce qui veut dire : CRUX SACRA SIT MIHI LUX ; en français : Que la sainte Croix soit ma lumière.

Sur la ligne horizontale de la même Croix on lit :

N. D. S. M. D.

ce qui signifie : NON DRACO SIT MIHI DUX ; en français : Que le dragon ne soit pas mon chef.

Ces deux lignes réunies forment un vers pentamètre, dont le sens est une protestation du chrétien, exprimant sa confiance envers la sainte Croix, et sa résistance au joug que le démon lui voudrait imposer.

Autour de la médaille se trouve une plus longue inscription qui présente d'abord le saint nom de Jésus, exprimé par le monogramme ordinaire : IHS. La foi et l'expérience nous enseignent assez la toute-puissance de ce Nom divin (NB : aujourd'hui, on la grave plutôt avec le terme PAX [= Paix]). Viennent ensuite, en commençant à droite, les caractères suivants :

V. R. S. N. S. M. V. S. M. Q. L. I. V. B.

Ces initiales représentent deux vers :

VADE RETRO SATANA ; NUNQUAM SUADE MIHI VANA ;

SUNT MALA QUAE LIBAS ; IPSE VENENA BIBAS.

en français : Retire-toi, Satan ; ne viens jamais me conseiller tes vanités : le breuvage que tu verses est le mal : bois toi-même tes poisons.

Ces paroles sont censées sortir de la bouche de saint Benoît ; celles du premier vers, lors de la tentation qu'il éprouva et dont il triompha par le signe de la Croix ; celles du second vers, au moment où ses ennemis lui présentèrent un breuvage de mort, qu'il découvrit en produisant le signe de vie sur le vase qui le contenait.

Le chrétien peut s'approprier ces paroles toutes les fois qu'il est en butte aux tentations et aux insultes de l'ennemi invisible du Salut. Notre-Seigneur a lui-même sanctifié les premiers mots : Vade retro, Satana : Retire-toi, Satan. Leur valeur est donc éprouvée, en même temps qu'elle est garantie par l'Évangile lui-même. Les vanités que le démon nous conseille sont les désobéissances à la Loi de Dieu, les pompes et les fausses maximes du monde. Le breuvage que nous présente cet ange de ténèbres est le péché qui donne la mort à l'âme. Au lieu de l'accepter, nous devons le lui laisser, comme le partage qu'il s'est choisi lui-même.

Il n'est pas besoin d'expliquer longuement au lecteur chrétien la force de cette conjuration qui oppose aux artifices et aux violences de Satan tout ce qu'il craint le plus : la Croix, le saint nom de Jésus, les propres paroles du Sauveur dans la tentation, et enfin le souvenir des victoires que le grand Patriarche saint Benoît a remportées sur le dragon infernal. Il suffit de prononcer ces paroles avec foi pour se sentir immédiatement fortifié, et pour défier toutes les embûches de l'enfer. Quand nous ne connaîtrions pas les faits qui démontrent à quel point Satan redoute cette médaille, la seule appréciation de ce qu'elle représente et de ce qu'elle exprime suffirait pour nous la faire considérer comme une des armes les plus puissantes que la bonté de Dieu ait mises entre nos mains contre la malice des démons.

ORIGINE DE LA MÉDAILLE DE SAINT BENOÎT

Il serait impossible d'assigner avec précision l'époque à laquelle a commencé l'usage de la médaille dont nous venons de donner la description ; mais nous pouvons constater les circonstances qui ont aidé à sa propagation, et préludé à son approbation expresse par le Saint-Siège.

En 1647, à Natremberg, en Bavière, des magiciennes, accusées d'avoir exercé leurs maléfices contre la sécurité des  habitants de la contrée, furent emprisonnées par l'autorité publique. Dans l'instruction du procès, elles déclarèrent que leurs manœuvres superstitieuses étaient toujours restées sans  résultat dans les lieux où l'image de la sainte Croix était suspendue ou cachée en terre. Elles ajoutèrent qu'elles n'avaient jamais pu exercer aucun pouvoir sur l'abbaye de Metten, et que cette impuissance leur avait fait  comprendre que la Croix protégeait ce monastère. Les  magistrats consultèrent les Bénédictins de Metten sur cette particularité. On fit des recherches dans l'abbaye, et l'on remarqua peintes sur les murs plusieurs représentations de la sainte Croix, accompagnées des caractères que nous avons rapportés plus haut. Ces signes remontaient à une époque éloignée ; mais depuis  longtemps on avait cessé d'y porter attention. Restait à expliquer ces caractères dont le sens  était  perdu, et qui seuls pouvaient révéler l'intention dans laquelle ces Croix avaient été ainsi tracées.

Après beaucoup de recherches, on mit la main sur un manuscrit de la bibliothèque de l'abbaye. C'était un Évangéliaire remarquable par sa reliure enrichie de reliques et de pierres précieuses, et portant sur la première page treize vers qui indiquaient que ce livre avait été écrit et ainsi orné par ordre de l'abbé Pierre, en l'an 1415. Le même manuscrit contenait à la suite le livre de Rhaban Maur sur la Croix, et plusieurs dessins à la plume exécutés par un moine anonyme de Metten. Un de ces dessins représentait saint Benoît revêtu de la coule monastique, et tenant dans la main droite un bâton terminé par une croix.  Sur le bâton était écrit ce vers :

CRUX SACRA SIT M LUX N DRACO SIT MICHI DUX.

De la main gauche du saint Patriarche sortait une banderole portant ces deux autres vers :

VADE RETRO SATHANA NUQ SUADE M VANA.
SUNT MALA QUE LIBAS IPSE VENENA BIBAS.

Ainsi, au commencement du XVe siècle, saint Benoît était représenté tenant une croix, et les vers dont on lit aujourd'hui les initiales sur la médaille existaient déjà. Ces vers devaient avoir été à cette époque l'objet d'une dévotion particulière, puisque l'image de la sainte Croix paraissait sur les murailles de l'abbaye de Metten, entourée des initiales de chacun des mots dont ils sont composés. [...]

Si maintenant nous voulons rechercher à quelle époque on aurait commencé à représenter saint Benoît avec la sainte Croix, [...] un fait raconté dans la Vie du pape saint Léon IX, qui siégea de 1049 à 1054, apportera quelque secours pour l'éclaircissement de la question. Ce saint Pontife, né en 1002, porta d'abord le nom de Brunon, et fut placé dans son enfance sous la conduite de Bertold, évêque de Toul. Étant allé visiter ses parents dans le château  d'Eginsheim, une nuit du samedi au dimanche, il dormait dans la chambre qu'on lui avait préparée. Pendant son sommeil, un horrible crapaud vint se placer sur son visage. L'animal immonde appuyait ses pattes de devant sur la région de l'oreille et au-dessous du menton : il pressait fortement le visage du jeune homme et en suçait les chairs. La pression et la douleur réveillèrent Brunon. Effrayé du danger qu'il court, il se lève du lit aussitôt, et secoue par un mouvement de la main contre l'oreille l'affreuse bête que les rayons de la lune lui permettent de distinguer.

À cette vue, il pousse un cri d'horreur : de nombreux serviteurs arrivent apportant de la lumière ; mais la bête venimeuse s'évanouit à leur approche. En vain cherche-t-on sa trace : tous les efforts sont infructueux. Il demeura donc douteux si l'apparition du monstre avait été réelle ou fantastique ; mais les suites de son passage n'en furent pas moins cruelles. Brunon sentit tout à coup une inflammation douloureuse au visage, à la gorge et à la poitrine, et son état ne tarda pas à donner les plus vives alarmes.

Pendant deux mois, ses parents désolés entourèrent sa couche, attendant de jour en jour son dernier moment. Mais Dieu, qui le réservait pour le salut de son Église, voulut mettre un terme à leur affliction en lui rendant la santé. Depuis huit jours il avait perdu la parole, lorsque tout à coup, se sentant parfaitement éveillé, il vit une échelle lumineuse qui partait de son lit, et, traversant la fenêtre de sa chambre, paraissait monter jusqu'au ciel. Un vieillard vénérable, revêtu de l'habit monastique et entouré d'une splendeur éclatante, descendit par cette échelle. Il tenait dans sa main droite une Croix placée à l'extrémité d'un long bâton. Arrivé près du malade, il appuya sa main gauche sur l'échelle, et de sa droite il posa la Croix qu'il portait sur le visage de Brunon, puis sur les autres parties enflammées. Cet attouchement fit sortir le virus par une ouverture qui se forma aussitôt dans la région de l'oreille. Le Vieillard, laissant le malade soulagé, suivit en se retirant la voie par laquelle il était venu.

Brunon appelle aussitôt son clerc Adalbéron ; il le fait asseoir sur son lit et lui raconte l'heureuse visite qu'il vient de recevoir. La désolation qui remplissait la maison fait place à la joie la plus vive : peu de jours après, la plaie était cicatrisée et Brunon rendu à une santé parfaite. Dans tout le cours de sa vie, il aima à raconter cet événement miraculeux ; et l'archidiacre Wibert, auteur du récit que nous venons de reproduire, atteste que le Pontife avait reconnu le glorieux Patriarche saint Benoît dans le vieillard vénérable qui l'avait guéri par l'attouchement de la sainte Croix (Mabillon, Acta Sanctorum Ordinis S. Benedicti, sœculum VI).

Tel est le récit que nous lisons dans les Actes de saint Léon IX, rapportés par Dom Mabillon dans son sixième Siècle Bénédictin. Ce récit nous fournit l'occasion de former deux conjectures d'une égale vraisemblance. C'est d'abord qu'il est permis de penser que saint Benoît apparaissant à Brunon la Croix à la main fut reconnu du jeune homme, parce qu'on était déjà dans l'usage de représenter le saint législateur portant ce signe du salut ; c'est, en second lieu, que l'événement que nous venons de rapporter; se rattachant à un homme destiné à une si haute influence, et qui professait Une reconnaissance éclatante envers le saint Patriarche qui l'avait guéri par la Croix, a dû fortifier, sinon faire naître, en Allemagne surtout, où saint Léon IX passa la plus grande partie de sa vie, l'usage de donner pour attribut à saint Benoît la Croix qui a été entre ses mains l'instrument de tant de merveilles. Le manuscrit de l'abbaye de Metten est un des monuments de cette pratique, et le vers dont était accompagnée l'effigie du saint Patriarche n'étaient pas simplement l'œuvre ignorée du transcripteur, mais une formule honorée déjà d'une certaine célébrité,  puisque les seules initiales de chacun des mots qui les composent se trouvaient peintes en divers lieux dans l'abbaye de Metten, autour de l'image de la Croix, et depuis un temps assez éloigné pour que déjà en 1647 on eût perdu la signification des caractères.

L'événement de Nattremberg réveilla la dévotion des peuples envers saint Benoît représenté avec la sainte Croix. Ce fut alors que, pour faire jouir les fidèles de la protection assurée à ceux qui vénèrent la sainte Croix en union avec le saint Patriarche des moines d'Occident, la piété songea à multiplier et à propager les augustes symboles que l'on trouve réunis sur la médaille. On joignit à l'instrument du Salut et à l'effigie de saint Benoît les caractères dont le manuscrit de Metten avait fourni l'explication. D'Allemagne où elle fut frappée d'abord, la médaille se répandit promptement dans toute l'Europe catholique, et fut regardée par les fidèles comme une défense assurée contre les esprits infernaux. Saint Vincent de Paul, qui mourut en 1660, paraît l'avoir connue : car toutes les Sœurs de la Charité la portent à leur chapelet de temps immémorial, et durant un long intervalle elle ne fut plus guère frappée en France que pour leur usage.

USAGE DE LA MÉDAILLE DE SAINT BENOÎT

Après avoir décrit la médaille de saint Benoît et raconté son origine, nous avons maintenant à expliquer l'usage qu'on en doit faire, et le secours qu'on en peut tirer. Nous n'ignorons pas qu'en ce siècle où le diable est regardé par beaucoup de gens comme un être de raison plutôt que comme un être réel, il paraîtra étrange que l'on frappe une médaille, qu'on la bénisse, et qu'on l'emploie contre les embûches du malin esprit. Les saintes Écritures cependant nous fournissent assez de traits propres à nous donner une idée de la puissance et de l'activité des démons, ainsi que  des  dangers que nous courons sans cesse dans l'âme et dans le corps par suite de leurs embûches. Ne tenir aucun compte des démons, sourire aux récits de leurs opérations, ne suffit pas pour anéantir leur pouvoir. L'air n'en est pas moins rempli, comme l'enseigne saint Paul, des légions de ces esprits de malice (Ep 2, 2 ; 6, 12) ; et si Dieu ne nous protégeait, le plus souvent même à notre insu, par le ministère des saints Anges, il nous serait impossible d'éviter les pièges innombrables de ces ennemis de toute créature de Dieu. Et qu'est-il besoin d'insister davantage, lorsque nous avons vu reparaître de nos jours ces pratiques imprudentes et coupables, renouvelées des païens, et à l'occasion desquelles un esprit malfaisant et trompeur vient donner la réponse attendue ; lorsque nous avons vu recommencer les évocations des morts, les oracles, et tous les prestiges à l'aide desquels Satan retint les hommes en esclavage durant tant de siècles ?

Or,  telle est la puissance de la sainte Croix contre Satan et ses légions, que nous la pouvons considérer comme un bouclier invincible qui nous rend invulnérables à leurs traits. Le serpent d'airain élevé au désert par Moïse pour guérir les morsures des serpents de feu est donné par le Sauveur lui-même comme la figure de sa Croix (Jn, 3, 14). Le signe tracé sur la porte des maisons avec le sang de l'agneau pascal par les Israélites les préserva de la redoutable visite de l'Ange exterminateur (Ex, 12, 13). Le prophète Ézéchiel désigne comme les élus de Dieu ceux qui porteront le Tau empreint sur leur front (Ez 9, 4) ; et c'est cette marque que saint Jean, dans l'Apocalypse, appelle le signe de l'Agneau (Ap 9, 4). [...]

L'histoire nous apprend que les mystères païens furent plus d'une fois rendus impuissants, parce qu'un chrétien perdu dans la foule avait fait le signe de la Croix. Au rapport de Tertullien dans son Apologétique, on vit jusqu'à des infidèles, témoins des merveilles que les chrétiens opéraient par la Croix, recourir eux-mêmes avec succès à ce signe mystérieux contre les maléfices et contre les insultes des démons. Saint Augustin atteste que des faits semblables se produisaient encore de son temps, « et nous ne devons pas en être surpris, dit-il. Ce sont, il est vrai, des étrangers, des gens qui n'ont pas donné leur nom à notre milice ; mais c'est la puissance de notre souverain  Roi qui se fait sentir dans ces occasions (De diversis quœstionibus. Quaest. LXXXIX).

Après le triomphe de l'Église, le grand docteur saint Athanase exprimait ainsi sa conviction et ses espérances sur ce grave sujet : «Le signe de la Croix, dit-il, a la vertu de confondre tous les secrets de la magie, et de réduire à néant ses funestes breuvages. Que quelqu'un en fasse l'expérience ; qu'au milieu des prodiges des démons, de l'imposture des oracles, des prestiges de la magie, il emploie le signe de la Croix ; qu'il invoque le nom du Christ : il verra par lui-même avec quelle terreur les démons s'enfuient à ce signe et à ce nom, comment les oracles s'arrêtent, comment la magie et ses philtres perdent leur valeur (De Incarnatione Verbi. Cap. XLVIII).»

Cette puissance de la Croix est donc une vérité historique en même temps qu'un dogme de notre religion ; et si nous ne l'invoquons pas plus souvent, si nous n'en éprouvons pas plus de secours, il ne faut l'attribuer qu'à l'affaiblissement de notre foi. Les embûches de Satan nous environnent de toutes parts ; nous courons des périls continuels pour l'âme et pour le corps. À l'exemple des vieux chrétiens, munissons-nous plus souvent du signe de la Croix. Que la Croix reparaisse pour nous protéger dans nos villes et dans nos campagnes, dans le secret de nos maisons comme dans les lieux publics, sur notre poitrine comme dans notre cœur !

Appliquant maintenant ces considérations à la médaille qui fait le sujet de cet opuscule , nous en conclurons qu'il doit être avantageux d'employer avec foi la médaille de saint Benoît dans les occasions où nous aurions à craindre les embûches de l'ennemi. Sa protection, n'en doutons pas, se montrera efficace dans toutes sortes de tentations. Des faits nombreux et incontestables ont signalé aussi son puissant secours dans mille occasions où, soit par l'action spontanée de Satan, soit par l'effet de quelque maléfice, les fidèles auraient eu à redouter un péril. Nous la pourrons employer aussi en faveur des autres, comme moyen de préservation ou de délivrance, dans la prévision des dangers qu'ils auraient à courir. Souvent des accidents imprévus nous menacent sur terre ou sur mer : portons sur nous avec foi la médaille, et nous serons protégés. Il n'est pas jusqu'aux circonstances les plus matérielles de la vie de l'homme dans lesquelles on n'ait éprouvé par son moyen la vertu de la sainte Croix et la puissance de saint Benoît. Ainsi, les esprits de malice, dans leur haine contre l'homme, s'attaquent aux animaux qui sont à son service, aux aliments qui doivent soutenir sa vie ; leur intervention malfaisante est souvent pour beaucoup dans la cause et la permanence des infirmités que nous ressentons ; l'expérience a prouvé que l'emploi religieux de la médaille, en l'accompagnant de la prière, opérait souvent la cessation des embûches sataniques, un soulagement marqué dans les maladies, et quelquefois même une guérison complète.

PROTECTION CONTRES LES EMBÛCHES DES DÉMONS

On peut, regarder l'action de la médaille de saint Benoît contre les embûches du démon comme le principal objet que la bonté divine s'est proposé en faisant ce don aux fidèles. Nous recueillons ici quelques faits qui pourront éclairer nos lecteurs, et les diriger dans certaines circonstances qui se rencontrent aujourd'hui plus souvent encore que dans le passé.

En 1839, un magnétiseur renommé, qui venait de parcourir avec succès plusieurs villes de France, s'arrêta à T... pour donner des séances publiques. Il menait avec lui une jeune fille somnambule, dont il tirait grand profit. La première séance eut lieu dans une ancienne et vaste église depuis longtemps livrée à la profanation. Une foule immense s'était rendue à l'appel ; mais elle fut trompée dans ses espérances, et l'argent fut rendu à ceux qui se plaignaient, le magnétiseur n'ayant pu rien obtenir ce jour-là de la pauvre somnambule. Bientôt on annonça, sur de nombreuses affiches, qu'une seconde séance aurait lieu à l'hôtel de ville ; mais, cette fois encore, la déconvenue fut entière. Le magnétiseur, qui en était pour ses frais, fut pressé de déguerpir, laissant les journaux de la cité discourir à perte de vue sur les causes de l'insuccès : appartement trop chaud, lumière trop vive du gaz, etc.

Voici ce qui s'était passé. Une religieuse ayant eu connaissance du projet en question, et sachant que l'Église improuve la pratique du magnétisme, pensa qu'il était à propos de combattre les opérations du magnétiseur, en ce qu'elles pouvaient avoir de diabolique. Elle se borna à suspendre une médaille de saint Benoît en dehors de la fenêtre de sa cellule, et recommanda l'affaire au saint Patriarche. La victoire ne pouvait être incertaine, et le prince des puissances de l'air, comme l'appelle saint Paul fut vaincu.

Un homme de notre connaissance se trouvait, en octobre 1858, dans une commune du département de la Vienne. Dans une réunion d'amis à laquelle il prenait part, on vint à parler des tables tournantes, et on relata les succès que plusieurs des personnes présentes avaient obtenus dans ce genre d'expériences, l'année précédente. À la suite de cette conversation qui trouva quelques incrédules, il fut convenu qu'on se réunirait le lendemain à midi pour donner une séance. Malgré quelque scrupule chez  plusieurs, tous se rendirent à l'heure dite, et l'on se mit hardiment à l'œuvre, en observant exactement les conditions d'usage. Après deux longues heures d'essai, tout espoir de succès s'évanouit, et les amis allaient se séparer, cherchant à deviner la cause de ce mutisme inaccoutumé.

Mlle X***, qui avait fait partie de ce cercle, émit l'opinion que les médailles qu'elle portait sur elle, notamment celle de saint Benoît, pouvaient bien n'avoir pas été étrangères à la déconvenue. On convint alors d'une autre séance pour le lendemain soir, à huit heures. Cette fois, Mlle X***, qui avait laissé chez elle toutes ses médailles, ne voulut pas, ainsi démunie, prendre une part active à l'opération, et elle se tint constamment à l'écart dans un coin du salon.

Au bout d'une demi-heure au plus, certains frémissements se firent sentir ; ils furent suivis de craquements dans la table : ce qui fit prévoir que bientôt elle allait remuer d'elle-même. Un médecin convint que lorsqu'elle voudrait parler, elle frapperait avec un de ses pieds deux coups pour oui, et un pour non. En effet, elle ne tarda pas à s'enlever, à la grande satisfaction des assistants, et l'on se mit à l'interroger, d'abord sur des sujets frivoles, puis sur son silence de la veille. — D. « Pourquoi n'as-tu pas voulu répondre hier ? Est-ce  parce que Mlle X*** avait sa médaille de la sainte Vierge ? » — R. « Non. » — D. « Est-ce parce qu'elle avait celle de « saint Benoît ? » — «  Oui » (deux coups très forts). — D. « La médaille de la sainte Vierge ne t'aurait donc pas empêché de venir ? » — R. « Non. » Il est à remarquer qu'en effet presque tous les assistants portaient sur eux habituellement des médailles de la sainte Vierge et des scapulaires (Quelques personnes ont paru étonnées de ce que, dans la circonstance que nous racontons, Dieu ait voulu agir par le moyen de la médaille de saint Benoît, plutôt que par celle de la sainte Vierge. Elles n'ont pas réfléchi que ce raisonnement irait à anéantir le recours aux Saints, puisque la sainte Vierge exerce un pouvoir incontestablement plus étendu que celui de tous les Saints ensemble. Il serait à propos que ces personnes comprissent que Dieu lui-même nous accordant souvent par Marie des faveurs que nous lui avions demandées sans être exaucés, Marie daigne aussi trouver bon que nous obtenions par les Saints des secours qu'il ne dépendrait que d'elle de nous accorder). On passa à d'autres questions. [...]

En 1840, le conseil municipal de la ville de S..., songeant à donner de l'élargissement à une voie publique, qui d'ailleurs satisfaisait parfaitement déjà aux besoins de la circulation, décida que l'on prendrait une partie notable d'une église dédiée à la sainte Vierge et pèlerinage fréquenté. Pour réaliser ce plan, on se mit à construire un mur de refend dans toute la longueur de l'église. La chapelle de la Madone se trouvait précisément  sacrifiée à cette mutile question de voirie. Déjà le mur s'élevait à vingt pieds de hauteur, et l'église livrée aux ouvriers était encombrée de matériaux. Un voyageur témoin de cette triste profanation propose d'attacher la médaille de saint Benoît au pied de la statue de la Madone, que l'on avait reléguée provisoirement dans la partie conservée de l'église. Peu de jours après, l'ingénieur qui avait eu la triste pensée de mutiler la maison de Dieu est enlevé par une maladie subite. Son successeur, dès la première visite qu'il fait sur le lieu des travaux, est frappé de l'inutilité d'une mutilation déjà si odieuse en elle-même ; il ordonne sur-le-champ aux ouvriers de suspendre les travaux. Le lendemain, sur un rapport amplement motivé, il obtient du conseil municipal mieux avisé la démolition du mur qui atteignait bientôt la voûte, et la remise de l'église en son premier état.

Dans une de nos villes de France, certain haut personnage, chargé d'œuvres importantes, avait à son service un homme dont l'ennemi de tout bien s'était fait un instrument pour amoindrir l'influence du maître. On désespérait d'ouvrir les yeux de ce dernier, et le désordre augmentait tous les jours, lorsque quelqu'un de la maison plaça une médaille de saint Benoît sur le chambranle de la porte du compromettant homme de confiance. Dès ce moment, il devint comme impossible à cet homme d'habiter sa chambre ; le 20 mars 18.., à midi, heure où finissaient à cause du Carême les premières vêpres de saint Benoît, il cessait son service, et le lendemain, jour de la fête, il quittait la maison.

À peu de distance de Rennes, une maison qui était à la fois café et billard était habitée et dirigée par un ménage chrétien. Dans ces dernières années, d'étranges symptômes de la présence des démons s'y firent tout à coup sentir. Alors même qu'il n'y avait personne au billard, des bruits et des voix imitaient une nombreuse assemblée de joueurs ; les meubles  changeaient de place dans la maison sans que personne y portât la main, les portes s'ouvraient et se refermaient, et un bruit extraordinaire se produisait dans les lits des diverses chambres. Une nuit de Noël, la servante, étant montée à sa mansarde pour s'habiller avant de se rendre à la Messe de minuit, trouva cette pièce remplie d'une épaisse fumée au sein de laquelle s'agitait quelque chose d'insaisissable. Elle poussa un cri, sortit précipitamment et tomba sans connaissance. Les habitants de la maison étaient en proie à une terreur continuelle par suite de ces étranges phénomènes. Ils avaient fait dire un grand nombre de messes pour les défunts, et réclamé les prières de l'Église pour la bénédiction des maisons infestées ; et jusqu'alors le fléau n'avait pas cessé. Il n'y avait plus rien à faire que d'abandonner enfin cette maison nouvellement construite et dans laquelle les habitants avaient espéré trouver un logement commode et agréable. Une pieuse femme parla de la médaille de saint Benoît et engagea les habitants de la maison à y recourir. On commença par en attacher une sur chaque porte, et tout aussitôt la délivrance se fit sentir. Mais on n'avait pas songé à placer le signe du Salut à l'entrée de la cave, et toute la malice des démons sembla s'y être réfugiée, tant on y entendait de bruit, et tant il s'y faisait de désordre. On y apposa aussi la médaille, et l'influence diabolique quitta enfin la maison ;  mais ce ne fut pas sans vengeance : car la personne de qui nous tenons le récit de ces faits qui se rapportent à l'année 1861,  fut subitement  saisie par une cruelle obsession du démon qui la fit durement souffrir en son âme et en son corps. Elle a obtenu enfin du soulagement en suivant les conseils de son directeur qui lui a recommandé de s'armer de hardiesse contre le démon et de prononcer  contre lui fréquemment les saints noms de Jésus, Marie et Joseph.

En  1863,  dans une communauté  religieuse qui tient un  pensionnat  à  A....., on s'aperçut que les verres de lampes se cassaient, tour à tour, dans la salle d'étude  et dans le réfectoire du pensionnat. Les verres  à boire des Sœurs converses se trouvaient pareillement cassés dans les tiroirs au réfectoire, sans qu'aucune surveillance pût faire découvrir la cause d'un tel désordre qui était journalier. Cet état de choses durait depuis plusieurs semaines, lorsqu'il vint en pensée aux Sœurs d'avoir recours à la  médaille de saint  Benoît. On  plaça  cette médaille dans les lampes et dans les tiroirs, et tout aussitôt  les  accidents cessèrent. Chose étonnante ! les verres des lampes  qui éclairaient dans les  galeries et dans les autres pièces de la maison furent attaqués à leur tour, et  les cassures recommencèrent comme de plus belle.  Elles ne  s'arrêtèrent que lorsque les Sœurs se furent résolues à employer le moyen qui leur avait si bien réussi dans la salle d'étude et dans le réfectoire du pensionnat. Alors tout fut fini.

PRÉSERVATION DANS LES DANGERS

Entre les effets de la médaille, lorsqu'elle est employée avec une foi vive et simple, on a toujours compté la préservation efficace dans les dangers. Voici quelques faits récents qui prouveront que la vertu qu'elle a reçue de Dieu à cet effet est loin d'être épuisée.

Au mois de juin 1847, quatre Frères des Écoles chrétiennes et deux autres voyageurs occupaient l'intérieur de la diligence allant de Paris à Lyon. On partait d'Orléans. L'un des voyageurs, après avoir parlé de La médaille de saint Benoît, en remit une à chacun de ses compagnons de voyage. Il était occupé à leur donner le sens des lettres, lorsque tout à coup les chevaux, lancés au galop, et n'obéissant plus au postillon, entraînent la voiture dans une direction qui allait être fatale. La moitié de la route était dépavée, et les ouvriers avaient disposé les pierres qui devaient servir au repavage en manière de garde-fou, dans toute la longueur de la partie dépavée. Les chevaux franchissent cet obstacle, et précipitent la diligence de l'autre côté. La voiture penche d'une manière effrayante, mais elle ne verse pas. Durant quelques minutes, elle laboure le sable, puis, dans un clin d'oeil, elle se retrouve d'aplomb sur la route, et s'arrête au moment où tous les traits se rompent par l'effet de la secousse. Ce fait s'est passé près de Châteauneuf (Loiret), village situé à deux lieues environ de Saint-Benoît-sur-Loire. Les habitants, témoins de cette protection miraculeuse, criaient : « Miracle ! une voiture vide aurait versé. » [...]

Le dimanche 28 novembre 1858, le jeune Henri S..., âgé de quatorze ans, apprenti chez Monsieur P..., émailleur en bijoux, à Paris, rencontre dans la rue une personne qu'il savait remplie d'intérêt pour sa famille. Il la salue avec empressement, et, après quelques mots échangés, il reçoit d'elle une médaille de saint Benoît qu'elle lui offre, dit-elle, comme une protection contre les dangers qui pourraient le menacer. Le jeudi suivant, 2 décembre, notre apprenti s'étant laissé glisser sur les mains par la rampe de l'escalier, préoccupé de la pensée d'un choc avec une autre personne qui montait, avance la tête, perd l'équilibre et tombe d'un étage et demi. Dans sa chute, il rencontre d'abord la rampe inférieure contre laquelle heurtent ses reins ; de là le contre-coup le rejette à la dernière marche,  sur laquelle il se trouve assis, sans autre mal que l'étourdissement causé par la chute elle-même. Bientôt il remonte à l'atelier pour reprendre son travail. Le patron le renvoya à sa  mère, voulant le laisser reposer quelques jours, dans la crainte  des suites  fâcheuses que pouvait entraîner un tel accident. La santé du jeune apprenti n'éprouva aucun  dérangement ; et  il fut fondé à attribuer la protection insigne dont il avait été l'objet à la présence sur lui de la médaille de saint Benoît qui lui avait été offerte si à propos. [...]

En 1859, une communauté religieuse, vouée à l'éducation des jeunes filles, venait de faire construire à Paris un vaste bâtiment destiné à servir de dortoir aux élèves. Terminé depuis assez longtemps pour que l'on pût déjà l'habiter, les parents qui profitaient des parloirs établis au rez-de-chaussée, et les élèves qui appréciaient les excellentes conditions de leur nouveau logement, applaudissaient à l'heureuse pensée qu'on avait eue de le construire, lorsque des craquements de nature à inquiéter commencèrent à se faire entendre dans toutes les parties de l'édifice. On les attribua d'abord au travail de la charpente ; mais les choses en vinrent bientôt à ce point que les parents, effrayés du danger auquel leurs enfants pouvaient être exposées, parlèrent de les retirer. On essaya de calmer leurs inquiétudes en faisant appeler l'architecte ; mais rien n'était capable de les rassurer. Pour leur faire prendre patience, les Religieuses durent s'engager à ne plus faire coucher les enfants dans le nouveau dortoir, et à prendre les mesures nécessaires pour prévenir tout accident. Il ne s'agissait de rien moins que d'entreprendre une nouvelle construction ; mais la dernière avait absorbé toutes les ressources disponibles de la communauté. Un ami de la maison, auquel deux de ces dames faisaient part de leur embarras, conseilla de recourir à saint Benoît. Dans ce but, il les invita à placer une médaille du saint Patriarche à chaque étage du nouveau bâtiment, et à en enterrer une aux quatre points cardinaux, dans les fondations, en récitant cinq Gloria Patri en l'honneur de la Passion, trois Ave Maria en l'honneur de la sainte Vierge, et enfin trois Gloria Patri en l'honneur de saint Benoît. Le conseil fut adopté, et dès les premiers jours qui suivirent l'emploi des médailles, on n'entendit plus de craquements, et la communauté n'eut plus qu'à rendre grâces à Dieu, à la sainte Vierge et à saint Benoît, pour la protection qui lui avait été si visiblement accordée. [...]

SECOURS AUX ANIMAUX UTILES À L'HOMME ET INFLUENCE SUR LES CONDITIONS NATURELLES

La Notice italienne sur les effets de la médaille de saint Benoît constate la protection qu'elle a souvent attirée sur les animaux domestiques, en les délivrant de leurs maladies et en leur rendant la fécondité. Cette particularité ne saurait étonner un chrétien qui sait que l'Église emploie l'efficacité de ses prières en faveur des animaux que la Providence a destinés au service de l'homme. Voici un fait qui s'est passé à T..., et qui semble de nature à justifier cette confiance. Depuis le mois de septembre 1858, une vingtaine de poules, parfaitement installées, nourries et soignées de toutes les manières, n'avaient pas pondu un seul œuf. Six à sept d'entre elles furent tuées et ouvertes sans que l'on trouvât en elles le moindre indice de fécondité. Le 20 février 1859, on en tuait encore une sans plus de succès. L'idée vint d'attacher une médaille de saint Benoît à l'une des murailles du poulailler. Quatre jours après, on recueille un œuf, le lendemain deux ; tous les jours depuis, une pondaison régulière et abondante s'établit.

En l'année 1857, au village de la Jouaudière, commune de Bais, département d'Ille-et-Vilaine, une écurie était l'objet de poursuites malicieuses de la part d'un homme fort suspect dans le pays. Déjà trois chevaux avaient péri à la suite d'une maladie qui faisait tomber tout le poil de ces animaux, et les  enlevait tour à tour. Le quatrième et dernier se trouvait dans le même état, lorsque la pauvre femme sur laquelle tombait cette calamité rencontre une personne qui lui recommande l'usage de la médaille de saint Benoît, et lui en remet une. L'ayant reçue, elle court à l'écurie, et s'étant mise à genoux, recommande ses intérêts à saint Benoît ; puis, sans perdre de temps, elle trempe la médaille dans de l'eau, qu'elle donne à boire au cheval malade. L'animal, ayant goûté cette eau, paraît éprouver quelque soulagement. Sa maîtresse, qui  avait quitté l'écurie quelques instants, revient bientôt, et son bonheur est au comble de voir le cheval debout et mangeant à son râtelier  avec un sincère appétit. On  cesse alors les remèdes impuissants du vétérinaire ; la bête reprend son poil en quelques jours, et se trouve en état de supporter tous les travaux qu'on lui imposait auparavant.

L'année suivante, la même fermière eut à subir une épreuve analogue. L'accident était tombé sur une de ses vaches, et le vétérinaire consulté avait jugé la maladie tellement incurable, qu'il conseillait d'abattre l'animal au plus tôt. On entraîna donc la vache dans le champ le plus voisin de l'étable, et l'on fit venir le boucher, qui arriva avec ses aides. Avant de procéder au but de leur venue, ces  hommes se mirent à table,  pour prendre un petit repas qu'on leur avait servi. Pendant qu'ils mangeaient, la maîtresse de la vache sortit un moment, et s'étant rendue près de cette bête, elle se jeta à genoux et s'adressa avec une vive foi à saint Benoît. « Grand saint Benoît, lui dit-elle, je ne sais ce que je pourrai faire pour vous si vous guérissez  ma  vache. Je ne connais pas de lieu où l'on vous honore particulièrement ; mais si vous m'accordez ce que je vous demande, je promets de faire, en votre honneur, une offrande à l'autel de la sainte Vierge. » Pleine d'espoir, elle rentre à la maison pour veiller aux besoins de ses convives. Un quart d'heure s'était à peine écoulé que ces gens se lèvent, se dirigeant, armés de leurs instruments, vers l'endroit où ils avaient entraîné la vache. Quel n'est pas leur étonnement de voir l'animal debout et paissant l'herbe avec une tranquillité complète ! Ils examinèrent l'animal, et, après avoir constaté sa guérison subite, ils déclarèrent à sa maîtresse que leur mission était désormais inutile, et qu'ils n'avaient plus qu'à se retirer. La vache a continué de jouir d'une excellente santé, et la brave femme s'est empressée d'aller faire l'offrande qu'elle avait promise. [...]

Dans une vaste maison du faubourg Saint-Germain, habitée par de nombreux locataires, un pauvre chat galeux excitait l'animadversion de tous les habitants, chez lesquels sa maladie avait provoqué une si forte répugnance, que chacun semblait avoir juré sa mort. Violemment expulsé de partout, et même brutalement poursuivi quand il se permettait de paraître au grand jour, il avait fini par se faire accorder droit d'asile chez la locataire d'une des chambres du rez-de-chaussée. Quelques preuves de compassion que cette personne avait données au pauvre animal, jointes à l'intérêt de sa propre conservation, avaient porté celui-ci à chercher un refuge auprès d'elle. La maîtresse du logis l'accueillait pendant le jour, mais elle le renvoyait le soir. Dès le matin la bête se présentait, et par ses miaulements plaintifs et ses coups de griffes sur la porte, témoignait son désir de se mettre de nouveau en sûreté. Usant avec trop de liberté peut-être des droits de l'hospitalité, le malheureux chat ne craignait pas, comme s'il eût été en pleine santé, de se coucher sur les sièges. La personne  hospitalière dont nous parlons, recevant un jour la visite d'un homme rempli de foi dans la puissance de la  médaille de saint Benoît, voulut lui faire accepter un fauteuil sur lequel le chat s'était étendu quelques instants auparavant. Celui-ci s'en défendit, et demanda à la  maîtresse du logis pourquoi elle ne le guérissait pas, puisqu'elle l'avait adopté. Cette dame répondit qu'elle ne demandait pas mieux,  mais qu'elle ne savait comment s'y prendre. Le visiteur lui conseilla de plonger chaque jour la médaille de saint Benoît dans le vase d'eau qu'elle avait coutume de mettre à la portée du chat, pour qu'il allât s'y désaltérer. La dame lui objecta qu'elle y avait déjà pensé ; mais, dans la crainte de profaner une chose sainte en l'employant à un usage si vulgaire, elle s'en était abstenue. Le visiteur lui répondit que la vertu de la croix ayant réhabilité la création tout entière, elle pouvait être appliquée à tous les êtres qui sont utiles à l'homme. « Au reste, ajouta-t-il, Dieu sait bien que notre intention est pure, et que nous ne voulons que sa gloire ; s'il nous approuve, il guérira la pauvre bête ; sinon, elle restera malade, et il n'en sera que cela. » Là-dessus, il plongea la médaille dans l'écuelle d'eau, et engagea la personne à continuer de faire de même jusqu'à parfaite guérison de l'animal. Peu de jours après, la gale avait complètement disparu, le poil était devenu parfaitement propre, et l'on put constater, une fois de plus, que la bonté de Dieu s'étend à toutes ses créatures.

Au mois de mars 1862, le nommé G... de S... fut adressée une pieuse personne de Noyon, pour recevoir d'elle une médaille de saint Benoît. Cet homme raconta que, dans la commune qu'il habitait présentement, il avait eu un héritage à la mort de sa belle-mère. Cet héritage se composait d'une maison avec les bâtiments d'exploitation. La cour de cette maison était commune avec un homme du pays qui avait chez lui de très mauvais livres, et qui passait pour s'être donné au démon, lui et sa femme ; il était même redouté des habitants, à qui plus d'une fois il avait joué de mauvais tours. G... prit possession de sa maison, au grand mécontentement du voisin qui lui demanda d'abord à l'acheter, et qui, sur son refus, le menaçait, lui disant : « Tu ne veux pas me la vendre : tu y seras forcé. » En effet, G... fut à peine installé qu'une mortalité désastreuse se fit sentir chez ses bestiaux ; le lait des vaches qui avaient survécu était impropre à se convertir en beurre, bien qu'on le battit quelquefois toute une journée ; une troupe de rats, qui s'élevaient à des milliers, dévoraient tout chez lui : le linge, les effets, les harnais des chevaux étaient mis en pièces ; les couvertures sur les lits étaient dévorées ; et rien ne pouvait empêcher ce ravage, ni pièges, ni poison, ni armes à feu : en sorte que ce ne fut qu'avec la plus stricte économie et un travail assidu que G... parvint à conserver une partie de son avoir.

Au bout de dix années, voyant que sa position devenait toujours plus malheureuse, il se résolut enfin de proposer à son voisin d'acheter cette  maison que celui-ci convoitait depuis si longtemps ; et après la lui avoir vendue, il alla se placer à l'extrémité de la commune, espérant que, par ce changement, sa triste situation aurait un terme ; mais il fut trompé dans son attente, et son infortune sembla même s'être aggravée. Il éprouva cependant un moment de relâche après la mort de sa mère, ayant introduit dans sa maison un reliquaire qui lui advint dans la succession, et qui contenait du bois de la vraie Croix, avec des reliques de saint Médard, de saint Éloi, de saint Mommole et de sainte Godeberte.  G.., se crut délivré ; mais le calme dura peu, et les calamités reparurent bientôt, avec plus d'intensité que jamais. Il était comme désespéré, quand on l'amena à la personne dont nous avons parlé plus haut. Elle l'exhorta à avoir confiance et à prier avec foi ; ensuite elle lui donna plusieurs médailles de saint Benoît, une petite notice sur les grâces de protection dont cette médaille pouvait être l'occasion. G... fit avec zèle tout ce qui lui était recommandé, et immédiatement la situation commença à devenir meilleure. Ayant trempé la médaille dans l'eau et adressé à Dieu une fervente prière, il lava avec cette eau les murailles de sa maison, le seuil de la porte, et il en donna à boire à ses bestiaux. Il en versa même quelques gouttes dans la baratte où l'on battait le beurre, y mit ensuite la crème et obtint au bout de vingt minutes le plus beau et le meilleur beurre que l'on pût désirer (La vertu de la médaille, pour dissiper les embûches des démons lorsqu'ils s'opposent au succès des opérations domestiques dans un détail aussi familier que la confection du beurre, est assez reconnue en Italie pour qu'on l'ait mentionnée expressément sur les notices relatives à la médaille. [...] Un de ses bestiaux était près de mourir : il lui attacha une médaille au cou, et l'animal se leva bientôt, se mit à manger, et fut pleinement guéri. En peu de jours tous les fléaux qui l'obsédaient depuis tant d'années avaient disparu, et il jouit bientôt de la plus complète tranquillité. [...]

À ces traits relatifs à l'action de la médaille de saint Benoît, nous ajouterons ici le récit de deux faits dans lesquels a paru son influence sur des choses inanimées, à l'occasion desquelles la foi avait sollicité le secours de Dieu par l'entremise du saint Patriarche. 

En 1867, au  diocèse du Mans, dans le local d'une Communauté nouvellement établie, on avait creusé à grands frais un puits destiné à porter l'eau dans toute la maison. Cette eau s'étant trouvée dépourvue des qualités qui devaient la rendre potable, on se vit contraint de  creuser un  nouveau puits dans l'enceinte même de la maison. Le résultat de celte nouvelle opération ne fut pas plus favorable. L'eau vint assez  abondamment ; mais, si elle n'était pas sulfureuse comme la première, elle empruntait au terrain une couleur noirâtre, avec une mauvaise odeur et un goût détestable. Le conseil fut donné aux Religieuses de jeter dans ce puits la  médaille de saint Benoît, et d'aller y puiser de l'eau une heure après. Les Sœurs accomplirent cette prescription avec foi et simplicité ; et, une heure après, l'eau tirée du puits apparut limpide comme du cristal, sans odeur et parfaitement potable. Depuis lors, elle a conservé ces qualités en toute saison, et les conditions fâcheuses sous lesquelles elle s'était d'abord montrée ne sont déjà plus pour les habitants du monastère qu'un souvenir qui leur rappelle la puissance et la  bonté du saint Patriarche.

En 1864, à Boën-sur-Lignon, un vignoble était envahi par la maladie des raisins. Non seulement le feuillage était endommagé, mais les grappes qui commençaient à se développer  paraissaient frappées à mort. Le propriétaire eut la pensée d'enfouir la médaille de saint Benoît dans la terre qui portait les ceps. Peu après, un phénomène nouveau se manifesta. Le  feuillage gardait sa triste apparence ; mais les grappes avaient grossi et mûrissaient, sans conserver la trace de l'ulcération qui avait d'abord paru sur elles. La maladie avait envahi un tiers des ceps ; elle rétrograda subitement, et tout le raisin de ce vignoble, au moment de la vendange, se retrouva dans les meilleures conditions.

APPROBATION DE LA MÉDAILLE DE SAINT BENOÎT PAR LE SIÈGE APOSTOLIQUE

 [... Le] savant pape Benoît XIV [...], par Bref du 12 mars 1742, approuva la médaille avec la Croix, l'effigie de saint Benoît et les caractères qu'elle présente. Il sanctionna la formule de la bénédiction qui doit lui être appliquée, et accorda de nombreuses indulgences à ceux qui la porteraient sur eux. [...]

Non seulement la médaille est approuvée, mais la formule présentée pour servir à sa bénédiction est agréée. Bien plus, une large concession d'indulgences est faite en faveur de ceux qui porteront sur eux avec respect cette médaille. [...]

DE LA DÉVOTION ENVERS SAINT BENOÎT

[...] Le motif de la dévotion spéciale que nous éprouvons pour tel Saint en particulier est ordinairement emprunté à ses mérites, qui lui assurent un plus grand crédit auprès de Dieu. Or, si l'on considère tout ce que la grâce a opéré en saint Benoît, tout ce que saint Benoît a accompli par lui-même et par ses enfants pour l'honneur de Dieu, le salut des âmes et le service de l'Église, on est amené à penser que, parmi les amis de Dieu, parmi ceux qu'il a daigné glorifier, il en est peu dont l'intercession semble devoir être aussi puissante.

[...] Recourons [à saint Benoît] dans nos besoins ; il est puissant pour exaucer nos prières, et la bonté toute paternelle qui a été sur la terre un des traits principaux de son âme, d'après les  récits que saint Grégoire le Grand nous a laissés sur son admirable vie, est demeurée, au sein même de la gloire dont il jouit, comme le caractère permanent de son intervention en faveur des habitants de la terre.

Il apparut un jour à sainte Gertrude, son illustre fille. Ravi d'admiration dans la contemplation de ses grandeurs, la vierge lui rappela son glorieux trépas, lorsque, dans l'église du Mont Cassin, le vingt-un mars 543, après avoir reçu le Corps et le Sang du Seigneur, soutenu sur les bras de ses disciples, debout comme un athlète, il rendit sa sainte âme à Dieu dans une dernière prière. Elle osa alors lui demander, au nom d'une si précieuse mort, qu'il daignât assister de sa présence, à leur dernier moment, chacune des religieuses qui composaient alors le monastère dont elle faisait partie. Assuré de son crédit auprès du souverain Seigneur de toutes choses, le saint Patriarche lui répondit avec cette douce autorité dont son langage était rempli dès ici-bas : « Quiconque me rendra hommage pour la faveur dont mon Maître a daigné honorer mes derniers moments, je m'engage à l'assister moi-même à l'heure de sa mort. Je serai pour lui un rempart qui le mettra en sûreté contre les embûches des démons. Fortifié par ma présence, il échappera aux pièges des ennemis de son âme, et le ciel s'ouvrira pour lui (S. Gertrudis. Legatus divinae  pietatis. Lib. VI. Cap. XI). »

Une si précieuse promesse faite par un tel serviteur de Dieu, et garantie par une si noble épouse du Sauveur des hommes, a inspiré aux enfants de saint Benoît la pieuse pensée de composer une prière spéciale selon les intentions de leur Patriarche, à l'effet d'assurer à ceux qui la réciteront le bienfait qu'il a daigné promettre. Nous la donnons ici, dans le désir de la répandre et d'engager les fidèles à y recourir pour l'intérêt de leurs âmes :

Antienne

Benoît, aimé du Seigneur, s'étant fortifié par la réception du Corps et du Sang de Jésus-Christ, était debout dans l'église, appuyant ses membres défaillants sur les bras de ses disciples. Les mains élevées vers le ciel, il exhala son âme dans les paroles de la prière ; et on le vit monter au ciel par une voie couverte de riches tapis et resplendissante de l'éclat d'innombrables flambeaux.

V/. Vous avez apparu plein de gloire en la présence du Seigneur ;

R/. Et c'est pour cela que le Seigneur vous a revêtu de beauté.

Prions

Ô Dieu, qui avez honoré de tant et de si glorieux privilèges la précieuse mort du très saint Père Benoît, daignez accorder à nous qui honorons sa mémoire, la grâce d'être protégés contre les embûches de nos ennemis, à l'heure de notre mort, par sa bienheureuse présence. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

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