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L'EUCHARISTIE EST LE SACRIFICE DU CHRIST

Introduction

L’Eucharistie est le sacrement de notre salut accompli par le Christ sur la Croix. En tant que sacrifice, l’Eucharistie est offerte en réparation de nos péchés et pour obtenir de Dieu des bienfaits spirituels ou temporels. Pour bien la comprendre comme sacrifice, nous étudierons tout d'abord la Rédemption par le Christ, puis la notion de sacrifice et le sacrifice de la croix, enfin la représentation sacramentelle du sacrifice du Christ.

 

I. La Rédemption par le Christ (Cf. IIIa q. 48, a. 6, ad 3)

La Rédemption, c’est l’œuvre de médiation réconciliatrice entre Dieu et les hommes accomplie par le Christ, vrai Dieu et vrai homme. Cette médiation s’accomplit en deux mouvements :

 

  • Mouvement descendant : la rédemption est d’abord l’acte de Dieu qui, par l’humanité du Christ, touche tous les hommes avec la puissance de l’efficience divine.

  • Mouvement ascendant : la rédemption opérée par le Christ est la réponse de l'homme à Dieu dans le Christ, à savoir les actes de l’humanité du Christ. Tous ses actes sont salutaires. La Passion est l’acte central de la vie du Christ, l’expression et la réalité de l’accomplissement de l’amour de Dieu pour les hommes. L’acte humain du Christ qui accomplit toutes ses autres actions, c’est le sacrifice de la croix parce qu’il est l’acte du plus grand Amour.

Par rapport à sa divinité, la Passion du Christ agit par mode de cause efficiente ; par rapport à la volonté de l'âme du Christ, elle agit par mode de mérite ; par rapport à la chair même du Christ, elle agit par mode de satisfaction, nous sommes délivrés de l'obligation de la peine ; par mode de rédemption, nous sommes délivrés de l'esclavage de la faute ; par mode de sacrifice, nous sommes réconciliés avec Dieu.

II. La notion de sacrifice et le sacrifice de la croix

Le sacrifice est un acte de la vertu de religion qui comprend un aspect extérieur, une œuvre accomplie pour Dieu et signifiante de l’absolu divin, et un aspect intérieur, la charité envers Dieu (cf. IIa IIae, q. 85).

 

L’union parfaite à Dieu est l'objet du sacrifice. Il s’agit de répondre à Dieu, amour pour amour. Le Christ s’est offert lui-même au Père pour nous, dans sa Passion, par charité pour Dieu et pour nous, afin de nous sauver. Ce sacrifice accomplit toutes les préfigurations de l’Ancien Testament : il est absolument parfait, unique, totalement bon et pur. Le Christ fut le prêtre du sacrifice de lui-même sur l’autel de la croix.

 

III. La représentation sacramentelle du sacrifice du Christ

1. Selon saint Thomas d'Aquin

 

Selon saint Thomas, la célébration de l'Eucharistie « est comme une image représentative de la Passion du Christ qui fut une vraie immolation (sacrifice) » (IIIa, q. 83, a. 1). L'expression « image représentative » dit tout à la fois que le sacrifice de la croix le vrai sacrifice du Christ, et que l’Eucharistie est en dépendance fondamentale du sacrifice de la croix.

 

En outre, derrière le mot « image », il faut voir toute la densité de la notion biblique d’image qui dit bien plus qu’une relation de signe puisqu’elle exprime une similitude d’essence : « Il est l’Image du Dieu invisible, Premier-né de toute la création » (Col 1, 15). Ainsi, l’Eucharistie est le sacrifice vrai et adéquat. elle n’est pas une autre réalité, elle n’est pas que signe. L’immolation quotidienne n’est autre que celle consentie par le Christ au Calvaire : elle nous communique la même vertu.

 

Par le sacrement de l’Eucharistie, nous recevons le fruit de la Passion du Seigneur. Il y a donc parfaite correspondance entre la croix et le sacrement. La seule différence est relative au signe : alors que la croix est un sacrifice sanglant, l’Eucharistie est un sacrifice non-sanglant. Cependant, les deux modes de signification se rapportant exactement à la même réalité, il faut souligner que dans l’Eucharistie, le signe et la réalité ne font qu’un. Cette présentation appelle un complément : l’Eucharistie ne peut être le sacrement parfait que parce qu’elle contient substantiellement le Seigneur. La présence réelle est donc commandée par l’identité du sacrifice.

 

2. Selon le Concile de Trente (cf. Dz 1738 – 1759)

 

Le concile de Trente, dans son Décret sur le très Saint Sacrifice de la Messe, présente quatre idées générales : l’unicité du sacrifice, la permanence du sacerdoce du Christ, la relation entre la croix et le sacrifice visible, et l’institution du sacerdoce ministériel (cf. Dz 1740).

 

Quand il dit que l’Eucharistie représente la Passion du Christ qui fut un véritable sacrifice, il faut comprendre que le signe sacramentel signifie une action présente du Christ qui a une finalité. Le signe sacramentel signifie d’abord et premièrement une cause : le Christ agissant. C’est par une action de son humanité que le Christ confère la grâce. Le représentant et le représenté sont, dans un sacrement, intrinsèquement liés : les sacrements contiennent la grâce. Dans la représentation sacramentelle eucharistique, deux niveaux interviennent :

 

  • Le Christ s’offre au Père en sacrifice ; le sacrement de l’Eucharistie représente cette offrande.

  • Les fidèles, par toute la célébration, mais plus particulièrement par la communion, s’offrent au Père dans le Christ ; le sacrifice actualise cette union. C’est la res seconde, médiate et ultime.

Le verbe « représenter » (Dz 1740) signifie ici « rendre présent réellement sur le mode sacramentel » d’une action actuelle du Christ, à savoir le don du Christ au Père pour nous. C’est l’ensemble de l’action du Christ pour nous vis-à-vis de son Père qui est représentée, la présence réelle étant la condition de représentation. On affirme donc, dans la foi, l’identité substantielle du sacrifice de la croix et du sacrifice Eucharistique. La réitération, parce qu’elle est sacramentelle, ne fait pas nom-bre avec le sacrifice de la croix. L’Eucharistie est le sacrifice actuel de la croix par le sacrement.

 

3. La théologie post-tridentine

 

La question de l’essence du sacrifice eucharistique a marqué la recherche post-tridentine. On s’est en effet demandé par quel rite le sacrifice est constitué et quelle signification lui donner.

 

a. La question du rite constitutif du sacrifice

 

Ce qui est nécessaire au sacrifice, c’est l’immolation et c’est la consécration qui est le rite sacrificiel. En effet, c’est là que la victime est rendue présente sur l’autel. D’autre part, la consécration renouvelle la dernière cène qui désigne très clairement la croix. S. Thomas ajoutera que c’est la double consécration du pain et du vin qui est nécessaire à la constitution du sacrifice. Pie XII confirmera, dans son encyclique Mediator Dei, en rappelant que parce qu’elle est double, la consécration manifeste le sacrifice. Puisque l’Eucharistie est le sacrifice du Christ, ce qui est réellement présent sur l’autel, c’est le Corps et le Sang du Christ séparés. Ainsi, l’action sacramentelle de l’Eucharistie, à savoir la double consécration, signifie et réalise la séparation sacrificielle de la Chair et du Sang au Calvaire.

 

b. La signification du rite

 

On rencontre diverses théories. Les théories de l’immutation développent l’idée qu’un sacrifice est un mode d’oblation qui exige un changement infligé à la victime. Ces théories de l’immutation ont l’avantage de présenter la messe comme un sacrifice actuel dans lequel la victime est altérée. Mais elles ont tellement à cœur de montrer que la messe est un sacrifice actuel qu’elles oublient qu’il n’y a qu’un seul sacrifice et que l’Eucharistie est le sacrifice de la croix. Les théories de l’oblation montrent que ce qui est essentiel, c’est l’offrande ; l’élément de destruction est accessoire. Un sacrifice au sens formel, c’est une offrande intérieure d’amour obéissant. Mais elles aboutissent à séparer l’Eucharistie du sacrifice de la croix (théories de Lepin qui ne retient que le sacrifice céleste actuel et éternel du Christ, et de La Taille qui fait de l'Eucharistie un sacrifice virtuel).

 

Or, le concile de Trente oblige à dire que la messe est vraiment le sacrifice du Calvaire. Ainsi, elle est sacrifice actuel et non pas seulement virtuel. Deux éléments doivent être pris en compte :

 

  • Avec l’Eucharistie, nous sommes en présence d’un sacrement dont la raison d’être est de maintenir l’acte sauveur qu’il signifie pour le temps de l'Église pérégrinante. Cet acte sauveur, sur le plan strictement historique, appartenant au passé, le mystère du sacrement est justement de vaincre le temps et l’espace et de rendre l’acte sauveur présent à tous les hommes de tous les temps.

  • En ce qui concerne l’Eucharistie, la question précise est la suivante : comment le sacrement du sacrifice peut-il être lui-même un sacrifice ? La réponse montre qu’un sacrement contient toujours en lui la réalité qu’il signifie. Ainsi, puisque la Passion du Christ sous Ponce Pilate fut un vrai sacrifice, la représentation sacramentelle de la Passion est également un vrai sacrifice.

Il s’agit donc de partir du sacrement, réalité symbolique et réelle. Ce que la foi nous dit, c’est que l’action eucharistique accomplie aujourd’hui est, par identité, le sacrifice même accompli autrefois sur la croix. Cela ne peut se comprendre que parla théorie générale du sacrement.

 

L’action sacramentelle est une action de l'Église qui, en posant un signe défini, pose l’identification sacramentelle avec l’acte du Christ en croix. Bien que cet acte soit réitéré chaque jour, il est cependant le sacrifice de la croix. Il est donc ce qui permet à l’unique sacrifice du Christ d’être présent à tous les temps et à tous les lieux. Au Calvaire, le Christ s’est offert seul et presque abandonné de tous. En effet, seule Marie est morte en esprit au pied de la croix, ce qui lui vaut le titre de “reine des martyrs”, de “type de l'Église”. Par contre, dans l’Eucharistie, le Christ prend l'Église dans son sacrifice. La répétition n’est donc pas dans ce qui est offert, mais dans le mode d’offrir, dans l’association des fidèles et le ministère des prêtres. Ce qui relève de la répétition, c’est la nécessité de vaincre temps et espace. Ce n’est pas l’acte du Christ qui est répété, mais celui de l'Église.

 

c. Le sacrifice et la Gloire

 

Si c’est le Christ sacrifié qui est signifié, il s’ensuit que c’est le Christ mort qui est signifié. Comment peut-il alors être le pain de Vie ? En fait, le fort accent placé sur l’aspect sacrificiel ne doit pas faire oublier que pour avoir toute sa valeur, le sacrifice doit être accepté par Dieu. A de nombreuses reprises dans l’Ancien Testament, le Seigneur Dieu donne son assentiment au sacrifice ou le refuse. Comment donc le Père a-t-il manifesté son assentiment au sacrifice de son Fils ? La réponse tient dans la Résurrection de Jésus par le Père. Dans son humanité ressuscitée et glorieuse, dans sa chair du sacrifice accepté, Jésus se donne à nous. Il se donne à nous comme Corps vivant et vivifiant ; par là, il est unité de notre communauté, aliment de notre croissance vers la perfection. Mais Jésus se donne également comme Sang : Sang de l’Alliance, de l’Expiation et de la Réconciliation.

 

d. La question du temps

 

La sacramentalité relie profondément la dimension passée et le temps présent de la célébration. Mais il ne faut pas oublier la dimension future : toute célébration sacramentelle hâte le jour du retour du Christ. Ainsi, l’Eucharistie est le sacrifice du Christ sous Ponce Pilate, elle rend présent aujourd’hui ce mystère et elle est anticipation en ce qu’elle nous donne actuellement le Christ ressuscité, prémisse du Corps futur. Le Christ actuellement présent, communique son présent éternel dans notre présent temporel.

 

Il faut admettre que le mystère du sacrifice du Christ est à la fois historique (immolation) et à la fois non historique (Résurrection). Ce mystère en son entier introduit le Christ dans un aujourd’hui éternel qui coexiste avec tous les « aujourd’hui » temporels. Dans chaque instant temporel où est célébrée l’Eucharistie, c’est l’acte sauveur devenu éternel qui est présent.

 

Conclusion

 

Le sacrifice du Christ et le sacrifice de l’Eucharistie sont un unique sacrifice. L’Eucharistie est également le sacrifice de l'Église. La vie de l'Église, et donc du chrétien, est une appropriation des fruits du sacrifice du Christ. Le sacrifice du Christ présent sur l’autel donne à toutes les générations de chrétiens la possibilité d’être unis à son offrande qu’il offre à Dieu.

 

Bibliographie

 

  • Cours « Les sacrements » du Père De La Soujeole 2002-2003.

  • Denzinger, Concile de Trente, Doctrine et canons sur le sacrifice de la messe 1738-1759.

  • Somme Théologique de Saint Thomas d’Aquin, IIIa, q. 48, a. 6.