LE SENS CHRÉTIEN DE LA SOUFFRANCE HUMAINE (2)
LECTURE DE LA LETTRE APOSTOLIQUE SALVIFICI DOLORIS (11 février 1984)
DU PAPE JEAN-PAUL II


Le monde de la souffrance humaine

 

La souffrance n'est pas une réalité qui touche uniquement l'homme. Jean-Paul II ne l'ignore pas, et c'est pourquoi il rappelle ce que S. Paul écrivait aux Romains – « Toute la création jusqu'à ce jour gémit en travail d'enfantement » (Rm 8, 22) – en même temps qu'il souligne spécialement les souf­frances du monde animal[1]. Mais selon lui, la réalité désignée par le mot “souffrance” « semble particulièrement essentiel à la nature de l'homme.[...] La souffrance semble appartenir à la transcen­dance de l'homme », l'appelant mystérieusement à se dépasser lui-même (n° 1).

 

La pénétration du mystère de la souffrance ne peut se faire si l'on en reste à une simple description de cette souffrance. La médecine, bien que science et art de soigner, ne peut prétendre cerner ce mystère parce que la souffrance a une dimension plus vaste et plus intime que la maladie : « l'homme souffre de diverses manières qui ne sont pas toujours observées par la médecine, même dans ses branches les plus avancées » (n° 5).

 

La distinction entre souffrance physique et souffrance morale, qui se fonde sur la double dimension corporelle et spirituelle de l'homme est une première approche du mystère de la souffrance. Le Pape définit la souffrance physique comme une douleur du corps – « lorsque “le corps fait mal” » (n° 5) – et la souffrance morale comme une « douleur de l'âme » (n° 5), une douleur spirituelle, plus difficile à identifier que la première, et différente de la douleur psychique qui, elle, accompagne la souffrance morale comme la souffrance physique. Bref, « l'homme souffre lorsqu'il éprouve un mal, quel qu'il soit » (n° 7). C'est pourquoi « La réalité de la souffrance fait surgir la question de l'essence du mal : qu'est-ce que le mal ? » La réponse chrétienne à cette question passe d'abord par la profession de la bonté du Créateur et de sa création. Si l'homme souffre, s'il a mal, c'est en raison d'un bien dont il a été dépossédé ou dont il s'est privé lui-même.

 

La Sainte Écriture n'élude pas le mystère de la souffrance. Elle est même, dit Jean-Paul II, « un grand livre sur la souffrance » (n° 6), qui montre aussi bien la souffrance morale que la souffrance physique, et signale précisément les retentissements somatiques de la première. C'est ainsi que la souffrance morale affecte les os, les reins, le foie, les entrailles, le cœur. L'Écriture n'épuise toute­fois pas, sur ce thème de la souffrance humaine, ce que nous dit « le livre de l'histoire de l'homme [...] et plus encore le livre de l'histoire de l'humanité lu à travers l'histoire de chaque Homme » (n° 7). Si toutefois le monde de la souffrance existe dans la dispersion, il se cristallise surtout à propos du sens de cette souffrance.


[1]« Évidemment, la douleur, spécialement la douleur physique, est largement répandue dans le monde des animaux », n° 9.