LES SEPT PÉCHÉS CAPITAUX

À la base de chaque péché, il y a une idolâtrie : nous choisissons de prendre pour Dieu ce qui ne l’est pas. Et nous nous aveuglons sur cette idolâtrie pour trois raisons principales :

  • les péchés sont passés en nous à l’état d’habitude.
  • ils sont excusés ou tolérés par la société.
  • ils se mêlent à des blessures psychologiques.

Il ne faut pas confondre péché capital et péché mortel. « Capital » n’a pas ici le sens de grave. La gourmandise fait partie des péchés capitaux, mais est plutôt vénielle de par sa nature. « Capital » vient du latin caput, la tête. Une faute capitale est à la tête, à la source d’autres fautes. C’est un péché que l’on commet pour lui-même. L’avare accumule de l’argent pour accumuler. En revanche, on ne ment pas pour mentir, mais pour se protéger ou se mettre en valeur.

Il y a des « péchés fils ». Le péché capital, lui, est un « péché mère » qui engendrent d’autres péchés. Mais, qu’est-ce que pécher ? En hébreu, le mot signifie : manquer son but, se tromper de cible. Quelle cible ? le bonheur. Pécher, c’est se tromper de bonheur. La doctrine des péchés capitaux montre les sept voies par lesquelles l’homme peut se détourner de son véritable bonheur.

Les péchés capitaux offrent les valeurs les plus séduisantes, celles qui se rapprochent le plus de notre vrai bonheur : la communion avec Dieu. Ils en détournent d’autant plus efficacement qu’ils lui ressemblent le plus. Ce sont les sept idoles de l’âme, puisque le propre de l’idole est de mimer Dieu. Comme l’écrit Baudelaire, « les vices de l’homme, si pleins d’horreurs qu’on les suppose, contiennent la preuve de son goût de l’infini ; seulement c’est un goût qui se trompe souvent de route »[1].

Les honneurs, les plaisirs, les richesses, sont des biens réels, des valeurs gratifiantes, mais terrestres. Par sa liberté, l’homme, pour son malheur, est capable d’investir sa vie, de placer son bonheur, dans des biens limités. Le péché consiste à aimer infiniment ces réalités finies, à en faire son absolu, son idole : l’orgueil fait de sa propre excellence son idole ; la luxure fait de même pour les jouissances sexuelles.

Le combat contre les vices a pour but d’assurer la victoire de la charité, de parvenir à l’amour parfait de Dieu, du prochain et de soi-même. À cette fin, il convient de mieux les connaître pour mieux dépister en nous ces tendances fondamentales pré-morales (involontaires).

L’ORGUEIL : LE CAPITAINE DES CAPITAUX

L’orgueil n’est pas seulement un péché capital, c’est le péché capital par excellence, celui par qui tout mal arrive. En effet, « le commencement de tout péché, c’est l’orgueil », affirme l’Ecriture (Si 10, 13). Au fond de tout péché sommeille une secrète préférence de soi. L’orgueil est justement cet amour de soi-même. Mais un amour désordonné, un désir déréglé de notre propre excellence. L’orgueilleux se croit supérieur aux autres. Il est arrogant, suffisant, présomptueux.

Attention, toutefois ! Si l’orgueil est un amour démesuré de soi, c’est que l’amour de soi n’est pas mauvais. Au contraire. Le moi n’est pas haïssable. Se haïr, c’est aussi de l’orgueil. L’estime de soi est une qualité indispensable pour vivre. L’orgueil a son opposé : le manque de souci de sa propre perfection. C’est aussi une faute.

L’orgueilleux n’agit ni pour la gloire de Dieu, ni pour l’amour d’autrui, mais pour sa propre personne. Cette forme d’orgueil est ce que l’on appelle l’égoïsme. L’orgueilleux vit non seulement pour soi, mais encore par soi. Cet orgueilleux-là, c’est l’indépendant, celui qui veut se suffire à lui-même, qui ne veut être contrôlé en rien et renâcle à prendre conseil. Il estime posséder le bien comme venant de lui-même ou pense l’avoir reçu en raison de ses mérites. Tout lui est dû.

Quelques signes permettent de détecter en soi l’orgueil :

  • avoir toujours raison, ne jamais reconnaître que l’on a tort. Être incapable de demander de l’aide.
  • Ne pas supporter la critique, accuser l’autre en permanence.
  • Regretter davantage les fautes lorsqu’elles sont commises en public que dans l’intimité.
  • Le besoin de se mettre en avant, d’être remarqué de façon singulière.

L’orgueil, commencement de tout péché, mère de tous les vices, péché commun à tous les péchés, engendre plus directement la vaine gloire (amour désordonné de l’estime des autres), l’ambition (amour désordonné des honneurs et des fonctions d’éclat) et la présomption (désir désordonné de faire des choses qui sont en réalité au-delà de nos forces), la jactance (par laquelle on se vante d’avoir ce qu’on n’a pas), l’obstination (par laquelle on se fixe sur sa propre manière de voir), la dispute (lorsqu’on ne veut pas qu’un autre nous domine en paroles), la désobéissance (lorsqu’on ne veut pas soumettre ses actions à l’ordre d’un supérieur).

Les remèdes à l’orgueil :

  • Prendre conscience de la gravité de l’orgueil.
  • Désirer l’humilité. On chasse l’orgueil par son contraire : l’humilité qui, comme toute vertu, s’acquiert par une succession de petits actes.
  • Devenir un familier de Dieu : par la méditation de sa Parole, par l’oraison, par la fréquentation de l’eucharistie et du sacrement de réconciliation.
  • Accepter ses émotions.
  • Savoir exprimer sa reconnaissance à ceux de qui on a reçu.

L’ENVIE ET LA JALOUSSSSSSSSIE

L’envieux s’attriste de ce que l’autre possède et qu’il n’a pas : ses qualités, sa gloire, sa richesse, son conjoint, etc. Le jaloux désire jouir à lui tout seul et sans partage des biens qu'il possède.

Depuis la chute originelle, un Caïn – le premier envieux – sommeille en nous. Mais dans le fond, ce qui manque à l’envieux, ce n’est pas seulement telle ou telle chose, c’est l’estime de son propre bien. Dans un de ses romans, Mary Higgins Clarke met en scène une ravissante jeune femme ; survient au cours d’une soirée, une superbe créature. Tous les hommes de l’assistance se tournent vers cette dernière. « Je ne sais pas si toutes les femmes ont ressenti la même chose que moi, confie l’héroïne, mais à cet instant précis, je me sentis très fade ». Le fond de l’envie, c’est le manque d’amour de soi, l’ignorance de ses propres biens.

Les signes de l’envie et de la jalousie :

  • À l’annonce d’un heureux événement survenant à quelqu’un, l’envieux est incapable de ressentir la moindre joie : il est soit triste, soit indifférent.
  • Le jaloux est captatif, exclusif dans la relation. Souvent il étouffe l’autre par son besoin exclusif d’être préféré.
  • L’envieux cherche à diminuer le bonheur de l’autre.
  • L’envieux a spontanément l’esprit plus critique que laudatif. Il ne sait pas plus adresser de compliments qu’il n’arrive à les entendre pour autrui.

L’envie est-elle vraiment un péché ? Il convient de distinguer la faute du sentiment. La tristesse envieuse est d’abord une passion, une réaction de la sensibilité : elle surgit sans prévenir. La faute commence quand nous nous rendons complice de cette passion.

L’envie n’est pas seulement un péché, c’est un péché capital, un péché mère qui a une progéniture nombreuse : malveillance, dénigrement, satisfaction devant les difficultés de l’autre, déception de voir sa réussite…« L’envie est la haine du bonheur d’autrui », écrit saint Augustin. Elle s’oppose à la miséricorde, qui s’attriste de son malheur.

Les remèdes à la jalousie :

  • Reconnaître son envie. Ne pas nier cette tristesse et l’appeler par son nom.
  • Accepter que l’autre soit l’autre. L’autre est unique lui aussi, avec ses talents propres.
  • Éviter la comparaison.
  • L’estime de soi. L’envie est un péché d’ingratitude à l’égard des dons que Dieu nous a fait.
  • Louer. Remercions Dieu de ce que l’autre a ou est.

LA PARESSE : FAIT NÉANT

On l’appelle « paresse », mais en réalité ce péché capital est bien plus grave que ce banal défaut. Ce vice au nom mystérieux – l’acédie – engendre une paralysie de l’âme.

L’acédie figure dans la première liste des péchés capitaux, établie par Évagre le Pontique, à la fin du IVe siècle. Pas la paresse. Les Anciens la surnommaient « démon de midi », car cette « tentation du milieu du jour », cette anorexie spirituelle, ce dégoût des choses de Dieu, cette envie d’aller voir ailleurs, pointait surtout à l’heure du midi de la vie. C’est à la Renaissance qu’elle disparaît du septénaire des péchés capitaux, au profit de la paresse. Il faut néanmoins bien distinguer les deux.

Avec l’orgueil, l’acédie est le vice le plus « antithéologale ». Elle ronge la Charité et corrompt la communion avec Dieu, qui est l’effet propre de cette vertu théologale. Le désespoir est sa première fille. Or, une âme qui désespère ne s’appuie plus sur Dieu. Elle ne croit plus le Salut possible, elle doute de la miséricorde.

Si l’envie est une tristesse qui ne supporte pas le bien d’autrui, l’acédie est une tristesse qui ne supporte plus le Bien qu’est Dieu. Ce virus sécrète un manque de goût pour les exercices spirituels : prière silencieuse devant le Saint Sacrement, méditation de la Parole de Dieu, récitation du chapelet... L’acédique justifie son instabilité, son activisme. Il se trouve toujours de bonnes excuses pour fuir le face à face avec Dieu. Résultat : il se disperse, s’éparpille. Il oublie ce qui lui est demandé ici et maintenant : son devoir d’état. En ce sens, il est paresseux.

Le paresseux n’est pas nécessairement quelqu’un qui ne fait rien, ce peut être aussi quelqu’un qui ne fait que ce qu’il veut. Certains paresseux s’agitent beaucoup, paraissent même abattre un gros travail ; seulement, ils ajournent perpétuellement leur devoir d’état. Le paresseux repousse à demain ce qu’il devrait faire aujourd’hui. Il ne fait que ce qu’il veut.

Les remèdes à l’acédie  :

  • Vivre l’instant présent comme un don et le transformer en acte d’amour. L’acédique vit dans l’illusion en idéalisant le passé ou en rêvant le futur.
  • S’adonner aux exercices spirituels avec persévérance, par amour du Seigneur et non pour rechercher des jouissances spirituelles.
  • Ne pas fuir dans le sommeil. L’hypersomnie est souvent une fuite du réel.
  • Ne pas changer de cap. Quand survient une crise d’acédie – ce que saint Ignace de Loyola appelle « le temps de la désolation » –, « il ne faut rien remettre en question ou innover quant à ce que l’on s’était proposé et à son état de vie, mais il faut persévérer dans ce qui avait été fixé ».

LA COLÈRE EN COULEURS

On distingue deux types de colère : la colère rouge ou noire et la colère blanche. La première explose comme un volcan et a la violence d’un ouragan. La seconde est enfouie, c’est une rancœur qui rampe et ronge le cœur. La première est celle d’Adam qui accuse son Créateur et veut faire porter le chapeau à sa femme (Gn 3, 12). La seconde est celle de Caïn, envieux de ne pas avoir été béni et aimé comme son frère. Elle tue Abel. Bref, la colère est un désir de vengeance.

Comme tout vice capital, elle engendre d’autres péchés. Du plus intérieur au plus extérieur :

  • Les péchés du cœur. Le premier effet négatif de la colère est le jugement intérieur.
  • Les péchés de la parole. La colère conduit à médire.
  • Les péchés en acte. La colère peut s’achever dans la querelle, la violence physique ou le meurtre.

La colère est d’abord une passion de la nature sensible que nous partageons avec les animaux. Retirez sa pâtée à votre chien, il gronde. Cette irritation surgit lorsque nous nous sentons offensés, lésés. Ce sentiment de colère est légitime, il est moralement neutre. Mis au service de la Justice, c’est-à-dire soumis au jugement de la raison, il fournit une énergie psychologique que la seule raison ne peut susciter.

Mais, attention ! Trois conditions sont requises pour qu’une colère soit juste :

  • un objet juste : par exemple, le péché.
  • une intention droite : la volonté de le corriger en soi ou chez autrui.
  • une réaction mesurée : l’abolition du péché sans la suppression du pécheur.

Saint Jean Chrysostome n’hésite pas à écrire : « Celui qui ne se met pas en colère quand il y a une cause juste pour le faire, commet un péché ».

Quelles sont les différences entre la colère et la haine ?

  • La colère et la haine se comportent différemment dans le dommage qu’elles infligent au prochain. La colère ne vise que la juste vengeance, elle ne cherche à nuire qu’à ceux qui nous ont lésés, nous ou ceux qui nous touchent, pour qu’il y ait punition. La haine au contraire peut s’adresser à n’importe quel étranger sans qu’il ne nous ait jamais causé de tort, parce que sa façon de vivre s’oppose à notre sentiment.
  • La colère s’adresse toujours à quelques personnes particulières, parce qu’elle a sa cause dans certains actes injustes, et que les actes viennent de sujets individuels. La haine au contraire peut s’adresser à une entité générale.
  • L’homme en colère ne cherche à nuire au prochain que dans la mesure requise, selon ce qu’il lui semble juste, et le but atteint, sa colère se calme. La haine au contraire n’est rassasiée par aucun mal, car elle cherche le mal du prochain en lui-même.
  • L’homme en colère désire que celui à qui il inflige un dommage comprenne que c’est à cause de l’injustice commise que ce mal lui arrive. Celui qui hait ne se soucie pas de la façon dont le mal advient, quel qu’injustement que ce soit.

À la colère s’oppose un vice, qui est l’apaisement désordonné de la colère. « La patience déraisonnable sème les vices, nourrit la négligence et invite au mal non seulement les mauvais, mais même les bons », comme l’écrit saint Jean Chrysostome.

Les remèdes à la colère :

  • Prendre du recul… : « Éloignez-vous autant que possible, à l’instant même, de l’objet qui excite votre colère », conseillait le Curé d’Ars.
  • Sans pourtant fuir ! S’il n’y a pas eu d’explication ou de pardon, le conflit demeure latent. On ne fait que refouler la souffrance intérieure, mais elle resurgira à la première occasion.
  • Exercer la patience. On lutte contre la colère par les vertus contraires : la patience et la douceur.
  • Renoncer aux excitants (café, alcool,…) et savoir se reposer, se détendre.

L’AVARICE : LA CAPTATRICE DES CAPITAUX

Posséder est légitime. Le problème commence lorsque l’argent et les biens nous possèdent. Les Pères de l’Église distinguent trois aspects dans ce péché :

  • L’attachement du cœur à l’argent, c’est-à-dire l’avarice au sens propre.
  • Le désir d’acquérir sans cesse de nouveaux biens, c’est-à-dire la cupidité ou l’avidité.
  • L’opiniâtreté dans la possession.

Au musée diocésain de Cortone, Luca Signorelli a peint une communion des Apôtres (1512) où Judas semble glisser l’hostie dans sa bourse. Cette profanation montre symboliquement combien Judas adorait l’argent. Celui-ci est le dieu de l’avare. Il y sacrifie Dieu. Mais attention ! La possessivité ne s’étend pas qu’à l’argent. « L’avarice signifie la cupidité désordonnée des richesses, et aussi de n’importe quel bien. Elle est un amour désordonné de posséder », comme l’écrit saint Thomas d’Aquin.

De l’avarice naissent l’endurcissement contre la miséricorde, parce que l’avare endurcit son cœur de façon à ne pas secourir avec miséricorde autrui de ses propres biens ; l’inquiétude, qui est la peur de manquer ou d’être volé de son bien ; les violences, dans l’acquisition d’un bien ; la ruse, en parole elle prend le nom de « mensonge », en action, celui de « fraude » pour les choses, ou de « trahison » en ce qui regarde les personnes, comme le montre clairement le cas de Judas, qui à cause de son avarice, en vint à trahir le christ.

Les remèdes à l’avarice :

  • Se rappeler l’origine et la finalité des biens. L’argent et les propriétés ne viennent pas de nous et ne sont pas pour nous. Certes, ils sont dus à notre travail, mais ultimement, ils viennent de Dieu. D’autre part, ils ne sont pas seulement destinés à celui qui les a gagnés, mais aussi aux autres.
  • Se rappeler que Dieu seul est le trésor qui comble le cœur de l’homme.
  • Pratiquer les vertus contraires : le détachement et la générosité.
  • S’abandonner à la Providence. Notre Père céleste sait ce dont nous avons besoin.

LA GOURMANDISE : LA REINE DU PALAIS

La gourmandise est le moindre des péchés capitaux. Mais elle est un péché clé, un test de maîtrise de soi. En effet, parmi toutes les passions, la plus difficile à régler selon la raison est le plaisir et surtout les plaisirs naturels. Les plaisirs du manger et du boire sont dans ce cas, eux sans lesquels la vie humaine ne peut s’entretenir. Quand donc le désir de ces plaisirs dépasse la mesure raisonnable, il y a péché de gourmandise ; aussi dit-on que la gourmandise est le désir immodéré de manger et boire. Quelle est ici la mesure raisonnable ? C’est que l’homme se nourrisse selon qu’il convient à la conservation de sa vie, à son bien-être et à la convivialité.

La gourmandise n’implique pas d’abord et de soi une absorption immodérée d’aliments, mais un désir immodéré de les prendre. Il y a un double appétit de la nourriture :

  • L’appétit naturel : la faim, qui ne suit pas une connaissance, mais un besoin de nature. De là vient qu’une faim excessive n’est pas une faute morale, mais diminue plutôt le péché ou l’excuse totalement.
  • L’appétit sensitif, qui suit une connaissance, et c’est en lui que se trouvent les passions de l’âme. C’est le désir immodéré de prendre de la nourriture provenant de cet appétit qui a raison de gourmandise. Par exemple, je passe devant une pâtisserie et j’aperçois (connaissance visuelle) les petits pains au chocolat, en même temps que j’hume leur fumet (connaissance olfactive). N’en pouvant plus, je pousse la porte et m’en achète une dizaine…

Le vice de gourmandise nous tente de quatre manières : il devance parfois le moment du besoin, parfois il recherche des mets plus exquis, parfois il excède la mesure suffisant à la réfection dans la quantité à prendre, parfois on pèche par l’ardeur même d’un désir démesuré. Ces manières sont renfermées dans ce vers : « Avant l’heure, somptueusement, trop, avidement ».

Les filles de la gourmandise sont l’impureté, l’hébétude de l’esprit, la sotte joie, le bavardage, la bouffonnerie, la crise de foie !!!

Il existe aussi une gourmandise spirituelle. On rencontre souvent cette tendance chez les nouveaux convertis. Ce gourmand-là ne poursuit plus les délectations de la table, mais les plaisirs spirituels pour eux-mêmes. Il préfère la consolation au Consolateur, la sensation de bien-être dans la prière à l’exercice de celle-ci. Cette convoitise affective centre la personne sur elle-même. Le signe ? Si Dieu ôte sa présence sensible sans ôter sa présence spirituelle – cette présence de grâce qui n’a rien de perceptible – l’âme est toute désorientée.

Les remèdes à la gourmandise :

  • Revisiter ses motivations : pour quoi est-ce que je mange ? Quel bien est-ce que je poursuis ?
  • Retrouver dans l’aliment un don de Dieu. « Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, faites tout pour la gloire de Dieu » ( 1 Co 10, 31). Remercier le Seigneur avant et après chaque repas.
  • Savoir renoncer. Nous saurons qui est maître chez nous – notre volonté ou notre plaisir – seulement le jour où nous apprendrons à dire « non » à certains plaisirs.
  • Consulter un psychologue en cas de boulimie pour en traiter la cause.

LA LUXURE : LE CORPS DU DÉLIT

On appelle actes de luxure ceux par lesquels on recherche la jouissance sexuelle en dehors du mariage[2]. Ils comprennent : la fornication[3], l’adultère, l’inceste, la masturbation, l’homosexualité, la pédophilie, la zoophilie.

En effet, tout acte humain non proportionné à la fin requise est dit désordonné. Or la fin de l’usage des organes sexuels est l’union des époux, la génération et l’éducation des enfants. C’est pourquoi tout usage de ces organes qui n’est pas proportionné à cette fin est de soi désordonné. Ainsi l’énonce le Catéchisme de l'Église Catholique : « Le plaisir sexuel est moralement désordonné quand il est recherché pour lui-même, isolé des finalités de procréation et d’union » (CEC n° 2351). Le luxurieux fait du corps d’autrui ou du sien un objet, une idole.

Le plaisir sexuel présente trois caractéristiques :

  • Il est le plus grand plaisir physique, car il couronne le plus grand des biens : le don de la vie et l’amour des conjoints.
  • Il est complexe. Alors que le plaisir de la bouche se limite aux papilles gustatives, le plaisir sexuel ne se réduit pas à l’orgasme. Il s’accompagne d’un ensemble de pulsions partielles : le plaisir de voir et celui d’être vu, etc.
  • La jouissance sexuelle présente une histoire : la progressive découverte de son but : la communion avec une personne de l’autre sexe et la procréation. L’orgasme est un fruit, non une fin, un fruit beau et bon lorsqu’il est lié à la communion des personnes et à l’ouverture à la vie qui lui donnent sens, donc lorsqu’il s’inscrit dans le cadre du mariage.

Les conséquences de la luxure, selon saint Grégoire le Grand, sont : l’aveuglement de l’esprit, l’irréflexion, l’inconstance, la précipitation, l’amour de soi, la haine de Dieu, l’attachement au monde présent.

Les remèdes à la luxure :

  • L’engagement de la volonté. Avant tout, il s’agit de décider de vivre dans la pureté. C’est un chemin de vraie liberté.
  • La garde du cœur : ne pas imaginer des scènes érotiques par exemple.
  • La garde du regard : « Quiconque regarde une femme pour la désirer, dit le Christ, a déjà commis, dans son cœur, l’adultère avec elle » (Mt 5, 28). Ce regard réduit l’autre à un objet de plaisir.
  • La garde de la langue : il y a une manière de parler de la sexualité qui est perverse.
  • Le don de Dieu : la chasteté est un fruit de l’Esprit Saint (Ga 5, 22-23).

 

Sources :         P. IDE, articles Famille Chrétienne du n° 1225 au n° 1232, juillet/août 2001.

                        St THOMAS D’AQUIN, De Malo.



[1] C. Baudelaire, « le poème du haschisch » in Les Paradis artificiels.

[2] Parfois, cependant, la luxure peut ne comporter que le désordre du désir intérieur, comme c’est le cas de celui qui s’unit à son épouse dans un désir immodéré.

[3] L’union de l’homme libre avec la femme libre. Du latin fornix qui signifie « arc de triomphe », là où se rassemblaient les prostituées.

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