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LA STRUCTURE DU NOTRE PÈRE
ET LE NOM DE JÉSUS

Notre Père qui es aux Cieux,

1 Que ton Nom soit sanctifié,
2 Que ton Règne vienne,
3 Que ta Volonté soit faite comme au Ciel ainsi sur la Terre.

4 Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour,

5 Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés,
6 Garde-nous d'entrer en tentation,
7 Et délivre-nous du Mal.

La prière du Notre Père, seule prière enseignée par Jésus à ses Apôtres, comprend sept demandes, soit, d'après la symbolique biblique des chiffres, la perfection de ce que l'on peut demander.

"Les trois premières [demandes], plus théologales, nous attirent vers la Gloire du Père, les quatre dernières, comme des chemins vers Lui, offrent notre misère à sa Grâce" (Catéchisme de l’Église catholique, § 2803).

Le Notre Père a donc une structure bipartite de type 3 + 4.

La première partie est orientée vers Dieu : Ton Nom, Ton Règne, Ta Volonté. Elle concerne le temps présent, mais appelle aussi la réalisation eschatologique de ces trois demandes. Que le chiffre 3 soit associé à cette partie n'est pas un hasard : il rappelle en effet le triangle céleste. Le dernier mot de l'adresse - Cieux - annonce cette partie, et le mot Ciel de la 3e demande forme une inclusion. Dieu demeure au Ciel.

La seconde partie est plus centrée sur nous-mêmes : Donne-nous, Pardonne-nous nos, Garde-nous, Délivre-nous. Elle concerne principalement le temps présent (nourriture, pardon des péchés, combat spirituel), mais la 7e demande comprend aussi le désir de la délivrance eschatologique du Mal. Que le chiffre 4 soit associé à cette partie n'est pas non plus un hasard, puisqu'il rappelle le carré terrestre. Le dernier mot de la troisième demande - Terre - annonce cette partie. L'homme qui dit cette prière pérégrine encore sur la Terre.

On peut encore affiner ces remarques en relevant que la 4e demande tient une place centraledu point de vue de la structure, mais aussi du point de vue du sens :

Du point de vue de la structure, puisqu'elle est précédée et suivie de trois demandes ; la troisième et la cinquième portant chacune un comme soulignent encore plus cette centralité.

Du point de vue du sens, puisque cette 4e demande se rattache au trois premières en ce qu'elle concerne, comme elles, quelque chose de bon, et qu'elle se rattache aux trois dernières en réclamant pour nous.


De plus, elle fait le lien entre le Ciel et la Terre, en rappelant :


1) La manne, ce pain qui descend du Ciel sur la Terre (Ex 16, 4.15 ; Jn 6, 31) ;
2) La parole de Jésus : Je suis le Pain vivant descendu du Ciel (Jn 6, 51 ; cf. 6, 32-33.41).


Nous demandons au Seigneur, et le Pain du Ciel (la Parole de Dieu), et le pain de la Terre (Ps 104, 14).

On le voit, la structure du Notre Père n'est pas tant bipartite que concentrique ou chiasmisque.

Elle invite donc à approfondir les correspondances entre :


la 1ère et la 7e demandes : Que ton Nom soit sanctifié / Et délivre-nous du Mal
la 2e et la 6e demandes : Que ton Règne vienne / Garde-nous d'entrer dans la tentation
la 3e et la 5e demandes : Que ta Volonté soit faite / Pardonne-nous nos offenses

 

Il semble aussi que le Notre Père décline le nom de Jésus en araméen : YHShWH.

 

Ce nom comporte seulement une lettre de plus que le Tétragramme (YHWH) révélé à Moïse, et elle est précisément située au centre de celui-ci : YHShWH. La lettre Sh semble donc symboliser l'Incarnation.
Que la demande centrale du Notre Père lui corresponde est éblouissant : le Fils de Dieu, né à Bethléem (= Maison-du-pain), s'est fait homme pour devenir notre Pain de Vie. En sa nature humaine, il nous fait vraiment connaître le Nom de Dieu (cf. Jn 17, 26). D'ailleurs, comme en préfiguration de l'Incarnation du Fils, la lettre Sh était déjà au centre de la Révélation faite à Moïse : Eyeh asher eyeh : Je suis qui je suis / Je suis Celui qui suis (Ex 3, 14).


Le nom propre de Jésus dévoile le nom mystérieux prononcé dans le buisson ardent ; maintenant il apparaît clairement que Dieu n'avait pas livré définitivement son propre nom, qu'il avait provisoirement interrompu son discours. car le nom de Jésus sous sa forme hébraïque contient le mot YHWH, et lui ajoute cette dimension : "Dieu rédime" (= sauve) ; "Je suis celui qui suis" signifie "Je suis celui qui rédime". Son être est rédemption. Joseph Ratzinger, Le Dieu de Jésus-Christ. Méditations sur Dieu-Trinité, Fayard, Paris, 1977, p. 18.

Que la demande qui suit celle du pain soit celle au sujet des péchés est donc sublimement cohérent : "Tu l'appelleras du nom de Jésus (= YHWH-sauve), car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés." (Mt 1, 21)


Chez l'évangéliste saint Luc (Lc 11, 2-4), les cinq demandes correspondent parfaitement aux cinq lettres Y H Sh W H :

Père,
Y Que ton Nom soit sanctifié,
H Que ton Règne vienne,
Sh Donne-nous chaque jour notre pain quotidien,
W Remets-nous nos péchés, car nous-mêmes remettons à quiconque nous doit,
H et garde-nous d'entrer dans la tentation.

Chez saint Matthieu (Mt 6, 9-13), il y a comme un redoublement de la deuxième et de la cinquième demande :

    Notre Père qui es aux Cieux,
Y Que ton Nom soit sanctifié,
H Que ton Règne vienne,
H Que ta Volonté soit faite comme au Ciel ainsi sur la Terre,
Sh Donne-nous chaque jour notre pain quotidien,
W Remets-nous nos péchés, car nous-mêmes remettons à quiconque nous doit,
H Garde-nous d'entrer dans la tentation,
H Et délivre-nous du Mal.