Créer un site internet

L'ASSOMPTION DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE

 

 

"La Vierge immaculée, préservée par Dieu de toute atteinte de la faute originelle, ayant accompli le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire du Ciel, et exaltée par le Seigneur comme la Reine de l’univers, pour être ainsi plus entièrement conforme à son Fils, Seigneur des seigneurs, victorieux du péché et de la mort " (LG 59 ; cf. la proclamation du dogme de l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie par le Pape Pie XII en 1950 : Dz 3903). L’Assomption de la Sainte Vierge est une participation singulière à la Résurrection de son Fils et une anticipation de la résurrection des justes.

 

Que désigne le terme assomption ? À strictement parler, il exprime l'élévation et la présence glorieuse et corporelle de Marie au Ciel. Toute proportion gardée, l'eschatologie de Marie est analogue à celle de son Fils, lui aussi élevé au Ciel et assis à la droite de Dieu (Mc 16, 19). Mais la glorification de Jésus est exprimé par le terme actif d'ascension, ce qui signifie qu'elle s'est faite par sa propre puissance (divine), tandis que celle de la Vierge s'est réalisée par la toute puissance divine ; c'est pourquoi, pour elle, on emploie le terme passif d'assomption.

 

L'Écriture ne dit rien d'explicite au sujet de la fin du séjour terrestre de Marie. La Tradition n'a évoqué ce point que progressivement. La définition dogmatique de Pie XII (1er novembre 1950) ne repose pas d'abord sur des arguments exégétiques, ni même sur des arguments de tradition, mais sur le constat de l'universalité de la foi en l'Assomption dans la communauté chrétienne. C'est un cas très clair d'une promotion dogmatique portée par le sensus fidei qui s'est exprimé notamment dans la liturgie.

 

La liturgie en Orient

 

La première fête de Marie honorait sa maternité divine. À Constantinople, elle était célébrée le 25 ou 26 décembre. À Jérusalem, c'est le 15 août que l'on célébrait la Mère de Dieu à l'église dite du « repos de la Mère de Dieu ». Il ne s'agissait pas du lieu du tombeau de Marie, mais du lieu où, selon l'évangile apocryphe de Jacques, Marie, un jour où elle était fatiguée, se serait reposée. Vers l'an 500, cette fête se transporte en un autre lieu : le sanctuaire marial de Gethsémani où l'on vénérait le tombeau de la Vierge. La fête se transforma alors en fête de la dormition. L'Empereur Maurice, vers 600, étendit l'usage de Jérusalem à tout l'Empire, avec la date du 15 août.

 

Le terme de dormition désigne la mise au tombeau de Marie. On lui préféra plus tard celui de migration (transitus en latin). Dès le VIe siècle, on a quelques usages, mais rares, du mot assomption. La liturgie copte (suivie par l'Éhiopie) connaît deux fêtes distinctes: dormition et assomption.

 

La liturgie en Occident

 

Sous le pape Serge 1er, d'origine syrienne (686-701), on a quatre fêtes mariales dans l'année liturgique à Rome : Nativité de Marie, Annonciation, Purification et Assomption. Ces fêtes font l'objet de processions solennelles. Selon le rite commun à toute procession à Rome, le cortège se réunissait à une église dite stationnale, et ne s'ébranlait vers l'église de célébration qu'après le chant d'une prière – la collecte – qui devait exprimer le sens de la fête. Pour les quatre fêtes de la Vierge, l'église stationnale était Saint Jean de Latran, et l'église de célébration était Sainte Marie Majeure. On attribue à Serge 1er la fameuse oraison dite oraison Veneranda qui était la collecte de la fête de l'Assomption. Cette prière est la plus importante de toutes les attestations liturgiques en faveur de l'assomption corporelle de Marie. Ce témoignage a une valeur hors pair. À une époque où l'assomption corporelle était mise en doute encore presque partout, le premier Siège apostolique en adopte une claire formulation dans sa liturgie.

 

Le texte de l'oraison Veneranda comprend une seule phrase en trois parties : la fête commémore d'abord deux faits : Marie a subi la mort temporelle – mais ses liens n'ont pu la retenir ; l'oraison donne alors la raison de l'impossibilité pour Marie de demeurer dans la mort : le Fils de Dieu a pris d'elle sa chair. L'oraison est exclusivement une proclamation de foi ; elle ne contient aucune demande. Au sens strict, elle n'affirme pas la résurrection de la chair de Marie, mais seulement son incorruptibilité. Mais l'interprétation – toujours liturgique – ne permet aucun doute : Marie est ressuscitée immédiatement après sa mort.

 

La source majeure de cette oraison est christologique : Ac 2, 24. Pierre parle aux Juifs le jour de la Pentecôte : Dieu a ressuscité Jésus, le déliant des liens de la mort, car il n'était pas possible qu'il fut retenu de force par elle. C'est donc bien la résurrection du Christ qui est appliquée à Marie.

 

Cette oraison, insérée dans le sacramentaire grégorien Hadrien (fin VIIIe s.) est restée inchangée, mais son usage s'est progressivement perdu. Elle subsiste dans le missel du Latran jusqu'au XIIe s., et dans celui de la Curie jusqu'au XIIIe siècle. La procession est tombée en désuétude à Rome, et seuls quelques missels d'Églises particulières (Lyon et Braga notamment) ou d'Ordres religieux (notamment les Dominicains) l'ont conservée comme collecte de la Messe.

 

Mise à part cette prière célèbre, la liturgie occidentale est très peu expressive du mystère de l'Assomption. Entre le IXe et le XIIIe siècle, cette fête a été regardée avec suspicion ; le concile d'Aix (809) a même été sur le point de la rayer du tableau des fêtes majeures. On pensait que ce n'était qu'une opinion pieuse. Mais au XIIIe siècle, la croyance tend à devenir commune. S. Thomas d'Aquin en est un témoin [1]La chose devient assez ferme au XVe siècle pour qu'en 1638 le roi de France, Louis XIII, consacre sa personne, sa famille et son royaume à Marie le 15 août (qui demeure la fête patronale de la France). Le sens général de cette évolution est que l'idée d'assomption glorieuse prend le pas sur la mort de Marie.

 

À l'heure actuelle, cette oraison a disparu de la liturgie ; seule la préface de l'actuelle Messe de l'Assomption s'en inspire : Tu as, Seigneur, préservé de la dégradation du tombeau le corps qui avait porté ton propre Fils et mis au monde l'Auteur de la vie. En effet, Pie XII n'a pas repris cette formulation parce qu'elle affirmait la mort de Marie, question qu'il n'a pas voulu trancher.

 

La doctrine théologique supposée par l'expression liturgique

 

Théologie de l'arche d'alliance. Cette arche n'a jamais été profanée, ni détruite : 2 R 24, 13 ; 2 Ch 36, 10. L'arche est incorruptible comme l'alliance elle-même. Après l'exil, selon la Tradition juive, elle a été prise par le Seigneur et gardée par lui dans les cieux. Marie, arche de la nouvelle alliance, est aussi incorruptible. Elle est gardée en son corps et en son âme auprès de son Fils.

 

Nouvelle Ève, Marie a souffert avec le nouvel Adam et a pris part à sa victoire. La liturgie synthétise les deux aspects de cette union : Ap 11 (union physique) ; 1 Co 15, 20-27 (union morale) ; Lc 1, 39-56.

 

Les implications de l'Immaculée conception. La définition de l'Immaculée conception portait en germe celle de l'Assomption. Marie nous précède dans la divinisation de la nature humaine. Elle a été libérée de la nécessité de mourir. Si elle a été soumise à la mort comme le Christ, ce n'est pas au titre de sa participation à la dette commune. Si elle n'est pas morte, c'est qu'elle vit avec son Fils au Ciel. La mort n'a pas pu alors la retenir en raison de sa pureté.

 

Les implications de la maternité divine. Il convient que Marie soit glorifiée tout comme le fruit de ses entrailles. Le Christ entraîne avec lui dans l'exaltation de sa chair celle dont il a pris la chair.

 

Les implications de la virginité. Si la virginité est une vertu du corps et de l'âme, il répugne de penser que Marie n'ait pu être préservée de l'image même de l'impureté qu'est la corruption du tombeau.

 

La formulation dogmatique

 

Pie XII a défini la présence actuelle de Marie avec le Christ ressuscité dans la gloire. Rien de plus et rien de moins. Toute la personne de Marie a été réunie à son Fils. De là, la perfection de son intercession.

 

La question de la mort de Marie. Pie XII a laissé ouverte la question de la mort ou non de Marie. Le débat a fait couler beaucoup d'encre. La Tradition est massivement en faveur de la mort de Marie. S. Thomas d'Aquin le pense aussi. Mais il y a une autre tradition soit qui affirme ne pas savoir (Épiphane de Salamine), soit qui affirme l'immortalité de Marie (Timothée de Jérusalem). Les termes qui ont désigné la fête en Orient comme en Occident évitent l'idée de mort : dormition, assomption, transitus, glorification. Ce qui est célébré, c'est la glorification corporelle de Marie.

 

La mort est une sanction du péché (Ro 5, 12). Dans l'état d'innocence, avant le péché originel, le passage de cette vie à l'autre aurait été harmonieux. Le Christ a connu une mort tragique et douloureuse parce qu'il a pris sur lui le péché du monde. Mais il est ressuscité. Le passage vers la vie est ouvert de nouveau. Le chrétien s'y engage par le baptême. Le sens de la mort devient alors l'assimilation au Christ crucifié.

 

La Tradition qui véhicule la mort de Marie n'est peut-être qu'une tradition humaine, car elle est tenue à une époque où l'on croyait que Marie était soumise à la loi du péché originel. Par ailleurs, l'opinion immortaliste n'a jamais été censurée par l'Église.

 

Arguments en faveur de la mort de Marie :

 

    • Marie devait être configurée au Christ en sa mort avant de l'être en sa résurrection. Elle n'en est que mieux le modèle des sauvés. Le fait de la mort est aussi d'une grande convenance pour établir la compassion de Marie pour nous.

 

    • L'union de Marie au Christ lui a fait assumer bien des peines liées au péché dont la peine de la mort.

 

Arguments en faveur de l'immortalité de Marie :

 

    • Marie a intégré le mystère du Christ d'une façon sans égale. Mais elle est aussi le type de l'Église et à bien des égards elle ressemble plus à l'Église qu'au Christ. Si elle se différencie du Christ, c'est pour ressembler à l'Église. La compassion de Marie : au calvaire, elle mourut en esprit avec le Christ. De là, son titre de reine des martyrs (cf. messe II de la BVM). L'Église est immortelle : la communauté ecclésiale ne meurt pas grâce à la succession des générations. De plus, 1 Th 4, 17 affirme : Nous les vivants, nous qui sommes encore là, nous serons emportés sur les nuées du ciel, en même temps qu’eux, à la rencontre du Seigneur. Ainsi, nous serons pour toujours avec le SeigneurMarie anticipe donc en sa personne ce que l'Église réalise collectivement après elle.

 

    • Marie n'a pas connu le péché originel, mais elle a assumé les angoisses et les souffrances au calvaire. Ce sont des peines extérieures. Elle n'a pas assumé les peines intérieures liées à la dégradation de la nature. La mort relève de ces peines.

 

    • S. Jean Damascène écrit  : Il fallait que celle qui avait gardé intacte la virginité dans l'enfantement conserve son corps sans corruption (PG 96, 741B). Mais on peut aussi fonder la non-corruption de Marie sur sa Maternité.

 

Au sens métaphysique, on parle de corruption dès que la forme substantielle quitte la matière, dès que l'âme quitte le corps. Mais selon l'Écriture :  Tu ne peux m'abandonner à la mort, ni laisser ton ami voir la corruption (Ps 15, 10). Ici, corruption = corruption physique. Cf. Messe de l'Assomption. Le Christ a connu la corruption métaphysique, mais pas physique. Il a pu en être de même pour Marie.

___________________

[1] Cf. IIIa, q. 27, a. 1 ; Commentaire sur l'Ave Maria (argument scripturaire : Ps 132, 8) ; III Sent., d. 22, q. 3, a. 3, qu 3, sol 3 (argument scripturaire : Ps 44, 10).

×