LA VIRGINITÉ DE MARIE
 

Depuis les origines du christianisme, l'Église a confessé que le Christ est né de la Vierge Marie, ex Maria virgine (Credo de Nicée-Constantinople), et elle a ensuite précisé que Marie fut vierge avant l'enfantement, dans l'enfantement et demeura vierge après l'enfantement.
 

La vertu de virginité
 

La virginité physique est un état, non une vertu : celui de tout être humain à sa naissance. Sauf accident, elle demeure jusqu'au premier rapport sexuel. On désigne comme vierge un homme ou une femme qui n'a jamais exercé aucune activité sexuelle. Chez la femme, la marque de cette abstention est l'intégrité de l'hymen (la membrane qui obstrue le vagin).
 

Cet état natif peut devenir vertueux si la personne vierge choisit de s'abstenir de toute activité sexuelle pendant toute sa vie en vue de Dieu, en vue de se consacrer totalement à Lui, corps et âme. La virginité n'est donc une vertu qu'en dépendance de la vertu de religion. Le propos de virginité consiste essentiellement dans le renoncement délibéré et définitif au don de sa personne à une autre personne, et à la progéniture qui normalement en résulte. Renoncer à ce don c'est aussi renoncer aux émotions et plaisirs qui l'accompagnent dans l'acte sexuel qui exprime et scelle ce don. 
 

La tradition de l'Église a toujours tenu en très haute estime la virginité consacrée, la considérant comme l'état immédiatement ''inférieur'' au martyre, en raison de la totalité du don de soi à Dieu qu'il exprime et de l'anticipation en ce monde de l'état bienheureux à venir où Dieu sera tout en tous. Le Bien qu'est Dieu, supérieur à tout autre, peut seul expliquer et légitimer le renoncement au mariage [1] et à la procréation.
 

Là où la virginité n'est pas souhaitée (choix du mariage) ou plus possible (vie passée dissolue, veuvage...), la vertu de chasteté peut être exercée, soit sur le mode de la sobriété (vie sexuelle équilibrée dans le mariage), soit sur le mode de l'abstinence (avant le mariage, dans le veuvage ou la vie religieuse).
 

La virginité de la Vierge Marie
 

         La virginité ante partum (avant l'enfantement)

D'après la parole de Marie à l'Annonciation  Comment cela va-t-il se faire puisque je suis vierge (Lc 1, 34) , il est clair que celle-ci avait formé un propos de virginité, propos qui lui avait été soufflé à n'en pas douter par l'Esprit Saint. Mais dans quel dessein ? Pourquoi Marie a-t-elle voulu honoré la virginité ? Ce n'est pas pour un motif lié au péché originel et à la concuspiscence, cette propension au mal qui en découle, puisqu'elle est l'Immaculée Conception. La réponse est à puiser partiellement en 1 Co 7, 32.34 : L'homme qui n'est pas marié a le souci des affaires du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur [...] la femme qui n'est pas mariée a le souci des affaires du Seigneur afin d'être sainte de corps et d'esprit.  La virginité est ici présentée comme le grand moyen de la vie contemplative, en ce sens qu'elle favorise l'orientation de l'esprit vers Dieu ; la personne peut alors mieux vaquer à Dieu et goûter aux choses d'en haut (cf. Col 3, 1-2). Ainsi donc, Marie, mue par l'Esprit de sainteté, désirait se consacrer entièrement au Seigneur. Mais ce qui allait lui être révélé par l'ange Gabriel ajouterait encore à cette consécration : la vierge Marie devenait la Mère de Dieu sans connaître d'homme. 

Saint Thomas d'Aquin avance trois raisons de convenance à la conception virginale du Sauveur (cf. IV CG 45 ; Somme de théologie, IIIa , 28, 1 :
 

  1. La conception virginale convenait afin de préserver la dignité du Père éternel qui envoie son Fils. Primauté divine dans le salut.
     
  2. Le Verbe parfait du Père devait prendre une chair parfaitement pure, c'est-à-dire qu'il soit conçu en son humanité sans aucune corruption de la mère = Il convenait que la mère soit le plus exclusivement possible à Dieu.
     
  3. La fin de l'incarnation : la renaissance des Hommes comme fils de Dieu. La conception virginale du Christ est la figure et le modèle de notre propre renaissance. La naissance du Christ par l'opération du Saint-Esprit et la coopération de la Vierge Marie préfigure la naissance baptismale qui se fait par l'Esprit et l'Église qui est vierge.


Dès lors, on peut légitimement se demander pourquoi Marie était mariée. Rappelons tout d'abord qu'à cette époque le mariage se faisait en deux temps à environ un an de distance : Mariage légal (cf. Lc 1, 27), puis mariage fêté (cf. Mt 1, 18). La virginité pour Dieu étant alors inconcevable, il était normal pour une jeune fille de se marier. Mais à cette raison historique, il faut ajouter des raisons liées à la sagesse de Dieu qui voulait ainsi montrer la bonté de la famille humaine où l'enfant peut grandir et s'épanouir entre un père et une mère, et donner en exemple la Sainte Famille à toutes les familles. 
 

La virginité in partu (dans l'enfantement)
 

Marie fut vierge avant l'enfantement, mais elle le fut aussi dans l'enfantement. Autrement dit, le passage de l'enfant à sa naissance n'a pas brisé l'hymen de sa mère. Cette donnée de foi a été définie au concile d'Éphèse en 431. Le concile Vatican II l'a rappelée dans la constitution Lumen Gentium (§ 57) qui affirme que la naissance de Jésus fut pour Marie "non la perte mais la consécration de son intégrité virginale". À cette réalité, on ne peut avancer que des raisons de convenance : 
 

  1. La naissance virginale du Verbe fait chair est le signe de sa naissance éternelle dans le sein du Père en même temps que le signe de sa naissance dans l'âme des chrétiens.
     
  2. Il convenait que Dieu conserve la virginité de Marie pour qu'elle soit l'exemplaire de la virginité qui perdurerait tout le temps de l'Église.


La virginité post partum (après l'enfantement)


Marie est restée vierge après l'enfantement de Jésus. Elle n'a eu aucun rapport sexuel avec Joseph, son époux. Il est clair désormais que les frères et soeurs de Jésus dont parle l'Évangile (Mc 6,3 : « Celui-là n'est-il pas le charpentier, le fils de Marie, le frère de Jacques, de Joset, de Jude et de Simon ? Et ses soeurs ne sont-elles pas ici chez nous ? ») sont à comprendre comme de proches parents, des cousins et cousines probablement. S. Jérôme le remarquait déjà et notait que lorsque l'Évangile parle de Jésus comme du premier-né de Marie (Lc 2, 7), cela ne signifie pas qu'elle eut d'autres enfants après lui, mais qu'elle n'en eut aucun avant lui.
 

Quel sens a cette virginité perpétuelle de Marie ? Elle signifie tout d'abord que la réponse totale de l'être humain à Dieu est possible et elle pointe la réalité eschatologique duu Royaume des Cieux quand Dieu sera "tout en tous" (1 Co 15, 28) et où on ne prendra ni femme, ni mari (Mt 22, 30). 

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[1Le don de soi à l'autre, dans la communauté conjugale, ne saurait être total et inconditionné car chacun des époux appartient à Dieu. Cette communion des personnes est finie et doit s'inscrire dans une communion plus profonde encore et déterminante qui est la communion à l'infini divin. L'amour humain, dans toute sa noblesse et dans toute sa pureté n'est pas infini, n'est pas une « valeur » absolue mais ordonnée au seul absolu qu'est Dieu.