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LA LIBERTÉ ET SES LIMITES

(l’ignorance, la crainte, la convoitise et la violence)

Dieu a donné à l’homme le moyen de le connaître et de l’aimer librement. La liberté est un pouvoir d’agir enraciné dans la raison et la volonté. Elle rend donc l’homme responsable de ses actes dans la mesure où ils sont volontaires. Mais l’imputabilité d’une action peut être diminuée voire supprimée par l’ignorance, la crainte, la convoitise et la violence.

I. La liberté

1. Définition. Dans le sens large, la liberté est la capacité de choisir, de se déterminer à partir de soi-même. L’homme est libre de choisir son mouvement dans lequel il joue sa vie. Dans le sens strict, la liberté se trouve dans la volonté, mais avec l’intelligence qui est là pour présenter des choix possibles.

2. Deux formes de la liberté

a. Liberté d’indifférence.

La théorie de la liberté d’indifférence est née au tournant du XIVe siècle dans l’œuvre de Guillaume d’Occam, franciscain et initiateur du nominalisme. Selon lui :

- Le libre arbitre, faculté première de l’homme, procède de la seule volonté, précède et domine toute inclination naturelle.

- La liberté est le pouvoir de choisir entre les contraires.

- Elle se pose entière de soi dès le début et en chaque acte de la vie morale.

- Chaque acte libre est indépendant des autres.

- La vertu est une habitude de soumission à la loi.

- La liberté s’identifie à la volonté et à la personne qui l’engage. Dieu est vu comme l’absolue liberté, et la loi morale, l’expression de sa pure volonté. C’est le début du volontarisme.

- La loi devient le premier déterminant de toute qualification morale. C’est le lieu même de la rencontre entre Dieu et l’homme, et se trouve dans les Écritures.

- La morale est conçue comme la conjonction de 4 éléments : la loi qui est interpellation de la liberté, l’obligation qui en résulte, l’arbitrage de la conscience, et la notion de péché comme manquement aux obligations de la loi.

b. Liberté de qualité

La liberté de qualité est la capacité de produire nos actes à notre gré, comme des œuvres de  bonne qualité, parfaites en leurs ordres.

- Elle procède de la raison et de la volonté pour la vérité, le bien, le bonheur.

- Elle est le pouvoir d’agir avec qualité et perfection quand on le veut.

- Elle se développe progressivement par l’éducation jusqu’à la maturité.

- Elle réunit les actes en un ensemble ordonné par une finalité qui les relie intérieurement. La fin principale est le bonheur dans l’union au bien plénier.

- La vertu est une qualité de la liberté, le pouvoir personnel acquis, ou infus, d’agir avec perfection. Elle cause la joie.

- La loi est éducatrice dans la croissance de la liberté. Elle est œuvre de sagesse, et correspond à l’attrait intime.

- Elle engendre une morale de bonheur et des vertus, qui naît de l’attrait intérieur.

Gaudium et Spes 17 analyse la véritable liberté qui est un signe privilégié de l’image divine imprimée en l’homme. Être créé à l’image de Dieu consiste en ce que Dieu laisse l’homme à son propre conseil. Dans cette liberté, il y a cependant une finalité. Ce n’est pas une liberté ‘en soi’, mais une liberté ‘pour’ chercher Dieu et s’épanouir en lui.

Cette liberté s’actualise sous la forme d’un combat qui comporte deux faces : une face intérieure constituée par la lutte contre les seuls effets des poussées instinctives et la servitude des passions ; une face extérieure constituée par tout ce qui, de l’extérieur, vient contrarier les convictions profondes de la personne.

La liberté est conditionnée par ce fait que l’homme est destiné à la Béatitude (vision de Dieu face à face). Aussi, son actualisation ne porte pas sur la fin, mais sur les moyens, laissés à l’ingéniosité de l’homme. Cette liberté vraie est cependant une liberté blessée par le péché originel et personnel. Ainsi, la grâce apparaît donc indispensable à la liberté.

3. Les trois étapes de l’affirmation de la liberté

L’éducation de la liberté passe par trois stades essentiels que l’on peut comparer avec les âges de la vie.

a. Les débutants : l’étape de la confrontation avec la loi, de la discipline, pré-suppose la présence d’un maître. C’est par la rencontre avec la loi que l’enfant prend connaissance de l’existence de l’autre, de sa grandeur et des résistances qu’il va rencontrer face à la parole de l’autre. Le premier visage de l’autre, c’est la loi. La loi morale s’exprimera principalement dans le Décalogue.

b. Les progressants : la loi extérieure rencontrée va s’intérioriser. L’habitation de l’autre en moi rencontre des résistances, il faut lutter contre ces résistances pour rencontrer l’autre. C’est le stade de la post-adolescence où le plaisir sensible est dépassé par l’amour de la vertu. Le Sermon sur la Montagne apparaît comme la nouvelle norme.

c. Les parfaits : c’est l’étape de la perfection de la liberté. Le ‘pour soi’ et le ‘pour autrui’ trouvent une pleine harmonie. C’est le stade de la maturité. La Loi nouvelle, grâce du Saint- Esprit œuvrant par les vertus théologales, porte la liberté à sa perfection. Le progrès suggéré intègre toutes les facultés et fait percevoir peu à peu que tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu (Rm 8,28).

4. La responsabilité morale. La liberté rend l’homme responsable de ses actes dans la mesure où ils sont volontaires (CEC 1734). La responsabilité renvoie à une forme de solitude ou de solidarité par laquelle chacun est conduit à porter ses semblables.

a. La ‘paternité’ de ses actes.

Les actes humains font ainsi de nous des pères (en tant que concepteurs d’actes qui ensuite nous échappent), mais aussi des fils (en tant qu’ils façonnent en nous la trame d’un être). La personne est responsable de tous ses actes lorsqu’ils sont conscients et librement consentis. Ils ne s’effacent jamais. La réparation pourra éteindre la dette, le pardon annulé la culpabilité, mais la paternité, elle, subsiste toujours.

b. Solidarité.

La responsabilité collective, plus complexe, implique une délégation de responsabilité. La responsabilité collective authentique est donc celle dans laquelle la responsabilité personnelle de chacun des membres du groupe considéré est avérée, de manière directe ou indirecte. Du point de vue de la morale, la solidarité revêt la forme d’une appartenance familiale comportant des degrés divers. La conscience de cette appartenance s’est faite plus vive avec les drames du siècle passé, à tel point que le devoir de responsabilité fait partie de l’être-homme. Mais le christianisme a développé une autre compréhension de la solidarité qui se développe en quatre propositions :

* Le Christ a fait de chaque homme un fils adoptif du même Père (Rm 8,15). Dès lors, le prochain découvre son identité véritable qui est d’être frère.

* Comme un frère-aîné, le Christ a délivré par son enseignement et son exemple le sens authentique de la fraternité des hommes (Ga 6,2).

* Le sacrifice du Christ a donné naissance à l'Église qui est un corps (1 Co 12,12) irrigué d’une vie nouvelle jaillissant de la communion trinitaire, et qui diffuse la charité.

* La charité implique que chacun reproduise le sacrifice du Christ et mette toute sa vie au diapason de la mort et de la résurrection du Christ (Rm 8,23). Elle le pousse à s’offrir pour les autres (Jn 15,12).

II. Les limites de la liberté

Selon St Thomas (I-II q. 6, a.1) l’acte volontaire procède des deux facultés qui sont propres à l’homme : la volonté et l’intelligence. La mention de la fin est apportée par Thomas qui lui donne priorité parmi les conditions de l’acte : elle donne l’essence du volontaire. L’acte volontaire de l’homme implique sa responsabilité morale. La définition du volontaire par la connaissance de la fin entraîne un développement de l’intériorité chez l’homme, un approfondissement de la conscience active : conscience du rapport des moyens extérieurs à la fin, des dispositions personnelles envers la fin, de notre ordonnance radicale par l’amour et le désir spontanés du vrai et du bien.

1. La violence

La volonté a un double acte qui est l'acte intérieur (vouloir) et l'acte extérieur (acte commandé par la volonté). Elle peut souffrir violence au niveau de ses actes commandés. La violence à l’encontre des actes commandés de la volonté rend ces actes involontaires. Aucune violence ne peut être exercée en face de la volonté d’un acte intérieur.

2. La crainte 

L’acte de ce qui est fait par crainte rend un acte volontaire car l’agent, à travers son intelligence et sa volonté choisit l’acte et commande ce qui doit être fait dans telle situation particulière. Cependant, à certains égards, ce qui est fait par crainte est un acte involontaire puisque au contraire à notre volonté.

L’acte fait dans les cas de crainte suscitée par une maladie psychologique, chronique ou épisodique, rend l’acte involontaire. La crainte qui vient de tortures peut rendre l’acte involontaire.

L’acte d’un pénitent qui agit par crainte est libre, mais la liberté peut-être profondément limiter.

3. La convoitise

La convoitise est désir du plaisir des sens. La force des passions peut perturber les jugements de la raison. Si la passion suspend entièrement le fonctionnement de la raison, les actions de l’agent seront non volontaires. Si la passion suspend partiellement le fonction de la raison, la liberté de l’agent sera seulement partiellement suspendue et ses actions continueront d’être volontaires, même si la liberté d’action se trouve réduite.

4. L’ignorance

L'être humain doit toujours obéir au jugement certain de sa conscience, mais il arrive que celle-ci soit dans l'ignorance et porte des jugements erronés sur des actes à poser ou déjà commis.

–      l’ignorance vincible : Le refus d’une recherche de ce qui peut éclairer les choix de sa vie peut porter la personne à des erreurs de jugement et la conduire à des comportements contraires au bien qu’elle devrait poursuivre. « En ces cas, la personne est coupable du mal qu'elle commet » (CEC 1791).

–      l'ignorance invincible : Il s'agit d'un « jugement erroné sans responsabilité du sujet moral, le mal commis par la personne ne peut lui être imputé. Il n'en demeure pas moins un mal, une privation, un désordre. Il faut donc travailler à corriger la conscience morale de ses erreurs » (CEC 1793).

On distingue plusieurs types d’ignorance :

a. L’ignorance concomitante est celle qui accompagne l’action sans avoir d’influence sur elle. L’acte est rendu non volontaire, non responsable et non coupable.

b. L’ignorance conséquente (à un vouloir) est voulue d’une certaine manière. Elle manifeste plutôt son caractère délibéré. Si elle est voulue indirectement, par négligence de ce qu’on pouvait et devait savoir, elle ne rend pas l’action involontaire mais en diminue le caractère volontaire, car on n’aurait pas agi si on avait su.

c. L’ignorance antécédente (au vouloir) précède tout acte volontaire et cause l’action contraire à la volonté. C’est l’ignorance proprement dite qui cause l’involontaire et enlève la culpabilité.

Conclusion

Chaque personne humaine a le droit d’être reconnue comme un être libre et responsable. Ce droit est une exigence inséparable de la dignité de la personne humaine en matière morale et religieuse. Mais l’exercice de la liberté n’implique pas le droit supposé de tout dire ni de tout faire.