LES VICES OPPOSÉS À LA CHARITÉ


Dans la Somme de théologie, S. Thomas d'Aquin distingue dix vices qui s'opposent à la charité : la haine, l'acédie, l'envie, la discorde, la dispute, le schisme, la guerre, la rixe, la sédition, et le scandale. La haine s'oppose directement à la charité ; l'acédie et l'envie à la joie de la charité ; la discorde, la dispute, le schisme, la guerre, la rixe, la sédition à la paix ; le scandale à la bienfaisance.

 

Concernant la haine, il faut distinguer la haine de Dieu et la haine de soi ou du prochain. La haine de Dieu consiste essentiellement dans la volonté de se détourner de Dieu en tant qu'on le considère dans certaines de ses œuvres qui nous déplaisent. Elle est le plus grave des péchés et constitue proprement le péché contre l'Esprit Saint (cf. IIa IIae, q. 14 ; q. 34, a. 2, ad 1). Les autres vices en effet détournent de Dieu, mais seulement de manière indirecte, en ce sens qu'ils sont d'abord un attachement aux créatures (cf. IIa IIae, q. 34, a. 2). La haine de soi ou du prochain consiste dans le fait de vouloir du mal à soi ou au prochain.

 

L'acédie et l'envie s'opposent à la joie de la charité, c'est-à-dire à la joie qui est l'un des fruits intérieurs de la charité. L'acédie s'oppose directement à la joie que donne le bien divin en tant que ce bien contrarie les désirs charnels (cf. De Malo, q. 11, a. 1 et 2). La personne éprouve alors du dégoût pour Dieu et pour tous les exercices de la vie spirituelle qui peuvent y conduire. Le désespoir est l'une des filles de l'acédie (cf. IIa IIae, q. 20, a. 4) ; l'envie, elle, s'oppose à la joie que donne le bien du prochain en tant qu'il nous paraît diminuer notre propre excellence. On envie les richesses, la beauté, l'intelligence, l'affection, la femme ou le mari, le travail... du prochain.

 

La discorde, la dispute, le schisme, la guerre, la rixe, la sédition s'opposent à la paix. La discorde est un péché de cœur qui « disperse les volontés dans la mesure où celles-ci se fixes sur des points différents » (IIa IIae, q. 37, a. 2) ; la dispute est un péché de lèvres qui comprend la discorde. Elle est une opposition dans les paroles ; le schisme, la guerre, la rixe et la sédition des péchés d'action qui comprennent la discorde et la dispute (cf. IIa IIae, q. 37, prol.). Le schisme consiste à se séparer de l'unité de l'Église en refusant principalement de se soumettre au Souverain pontife, et secondairement de communiquer avec les membres de l'Église qui lui sont soumis. La guerre n'est pas nécessairement un vice contraire à la charité. Il est des guerres justes à certaines conditions, comme le rappelle le Catéchisme de l'Église catholique :

 

Il faut considérer avec rigueur les strictes conditions d'une légitime défense par la force militaire. La gravité d'une telle décision la soumet à des conditions rigoureuses de légitimité morale. Il faut à la fois :

  • Que le dommage infligé par l'agresseur à la nation ou à la communauté des nations soit durable, grave et certain.

  • Que tous les autres moyens d'y mettre fin se soient révélés impraticables ou inefficaces.

  • Que soient réunies les conditions sérieuses de succès.

  • Que l'emploi des armes n'entraîne pas des maux et des désordres plus graves que le mal à éliminer. La puissance des moyens modernes de destruction pèse très lourdement dans l'appréciation de cette condition.

Ce sont les éléments traditionnels énumérés dans la doctrine dite de la “guerre juste”. L'appréciation de ces conditions de légitimité morale appartient au jugement prudentiel de ceux qui ont la charge du bien commun. (n° 2309)


La rixe est une guerre privée, qui a lieu entre des personnes privées. Elle « se fait d'un particulier à un autre particulier, ou d'un petit nombre à un autre petit nombre ». La sédition est une guerre civile. Elle concerne donc « les parties d'un même peuple qui ne s'entendent plus » (IIa IIae, q. 42, a. 1).

 

Le scandale – du grec scandalon, “obstacle contre lequel on heurte” – est une parole ou une action, manquant de rectitude, d'une personne qui donne occasion à une autre ou à plusieurs de chuter spirituellement, autrement dit de pécher. On distingue le scandale actif et le scandale passif. Dans le cas du scandale actif, l'intention de celui qui provoque le scandale est peccamineuse, par elle-même ou par accident : par elle-même si le pécheur veut entraîner une autre personne à pécher ; par accident, s'il ne veut que satisfaire sa volonté. Dans le cas du scandale passif, l'intention de celui qui parle ou agit est droite, mais donne cependant occasion de chute en raison des mauvaises dispositions de ceux qui l'écoutent ou le voient. Il faut bien noter néanmoins que dans l'un et l'autre cas, le scandale donne seulement occasion au péché, mais n'est pas sa cause suffisante, celle-ci s'identifiant à la volonté de chacun (cf. IIa IIae, q. 43).