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L’ÉGLISE EST UNE (UNITÉ ET UNICITÉ DE L'ÉGLISE)

INTRODUCTION

Le Credo de Nicée-Constantinople énumère quatre propriétés fondamentales de l’Église en son être : unité, sainteté, catholicité et apostolicité[1]. Ces quatre attributs sont « inséparablement liés entre eux[2]» selon l'ordre même du Credo. L’Église ne les tient pas d’elle-même, mais du Christ qui lui donne d’être une, sainte, catholique et apostolique. En ce qui concerne l’unité, la première propriété de l'Église qui nous occupe ici, elle est imparfaitement manifestée par les chrétiens qui eux sont divisés. Le mouvement œcuménique a pour tâche de travailler à la visibilité de l'unité ecclésiale.

L'ÉGLISE EST UNE (LG 8,1)

L'Église est une de par :

  • sa source, l’unité de la Trinité. Comme l'écrit saint Cyprien de Carthage, elle est un « peuple qui tire son unité de l'unité du Père et du Fils et de l'Esprit-Saint.[3]»
  • son Fondateur, le Christ Jésus, Tête du Corps mystique et qui lui communique sa grâce.
  • son « âme », l’Esprit Saint. Lui qui remplit et régit toute l’Église, réalise la communion des fidèles et est le principe de l’unité de l’Église[4].

L’unité du Corps mystique a été très fortement soulignée par le deuxième concile du Vatican, notamment au n° 8 de la constitution Lumen gentium. L’Église y est d’abord définie comme réalité une (§ 1), puis comme réalité unique (§ 2).

Le concile Vatican II a défini l’Église comme « une seule réalité complexe, formée d’un double élément divin et humain » où l'élément divin correspond àla grâce du Christ et l’élément humain à l’ordre des moyens de la grâce. Autrement dit, dans l'Église, la société hiérarchiquement organisée et le Corps mystique, l'assemblée discernable aux yeux et la communauté spirituelle, ne sont pas deux mais une seule et même réalité. Il ne faut donc pas les séparer, seulement les distinguer. Le Corps mystique est en lui-même une réalité intérieure et extérieure.

Cette unité complexe de l’Église, le concile la rapproche, en faisant jouer l'analogie, du mystère du Verbe incarné : « Tout comme la nature [humaine] prise par le Verbe divin est à son service comme un organe vivant de salut qui lui est indissociablement uni, de même le tout social que constitue l’Église est au service de l’Esprit du Christ qui lui donne la vie » (LG 8, §1). Comme toute analogie, elle a ses limites. Alors que dans le Christ, la nature divine et la nature humaine sont unies dans la personne du Verbe, dans l'Église, l'élément divin n'est pas une nature distincte, mais une grâce qui investit l'élément humain. L'analogie ne vaut donc pas au plan ontologique (union hypostatique), mais de l'agir (l’humanité pleine de grâce du Christ). Comme dans le Christ, l'humanité de l'Église est pleine de grâce et elle sera d’autant plus conforme au Christ qu’elle réalisera toujours mieux cette alliance de l’humain et de la grâce.

L'ÉGLISE EST UNIQUE (LG 8, §2)

Réalité une, l'Église est aussi unique : « C’est là l’unique Église du Christ. » Qu'est-ce à dire ? Selon l’encyclique Mystici Corporis du pape Pie XII, l’Église catholique romaine est le Corps mystique, l’une et unique Église du Christ. Mais cette assimilation était alors conçue comme exclusive. Selon ce point de vue, les autres communautés chrétiennes séparées (orthodoxes, protestantes...) n'étaient pas considérées comme faisant partie de l’Église du Christ. Le concile Vatican II va prendre une autre option, celle de l'inclusivité, en affirmant que l’unique Église du Christ subsiste dans (subsistit in) l’Église catholique romaine, et non est l’Église catholique romaine. C'est là un véritable progrès doctrinal, qui tout en maintenant l’Église catholique romaine comme l’une et unique Église du Christ, possédant tous les moyens de grâce institués par le Christ et toute la réalité de grâce ainsi procurée, fait place à l’ecclésialité des communautés séparées et même à celle des religions non chrétiennes. Il faut néanmoins bien comprendre l'expression subsistere in :

  • Selon son acception commune, subsistere in signifie ‘être présent dans’ (adesse in), ‘se trouver dans’ (inveniri in). En ce sens, l’une et unique Église, telle que le Christ l’a instituée, est réalisée en plénitude dans l’Église catholique romaine. C’est en elle que l’on peut voir l’institution du Christ telle qu’il l’a voulue[5], même si « des éléments nombreux de sanctification [certains sacrements] et de vérité [la prédication] peuvent se trouver[6]» dans les communautés séparées. Ces éléments toutefois proviennent de l'Église catholique et ne s'y ajoutent pas. Maintenus après la rupture, « ils tendent à l’unité catholique. »
  • Au sens métaphysique, l’expression subsistere in se réfère à l’acte par lequel une réalité existe par elle-même et non dans une autre. La subsistance est le mode le plus parfait d’exister. Selon cette définition, que le concile n'avait probablement pas en vue, seule l'Église catholique romaine a la pleine subsistance. Elle existe de manière autonome alors que les communautés ecclésiales séparées n'existent que par elle.

Les deux significations de l'expression subsistere in doivent être tenues ensemble afin de souligner le développement organique du dogme de l'unité et unicité de l'Église. Selon un schéma de gradualité, on pourra alors dire que l'Église catholique romaine est en acte l’une et unique Église du Christ, en tant que premier analogué, et que les communautés séparées sont en puissance – diversement actualisée suivant les éléments ecclésiaux conservés – cette même Église du Christ, en tant qu'analogués postérieurs. Bref, il y a une graduation de l'ecclésialité.

DE DEUX ERREURS

L'enseignement du concile Vatican II permet d'écarter deux conceptions erronées touchant l’unité de l’Église :

  1. L’une et unique Église n’existerait pas encore. Elle résulterait de la réunion de toutes les communautés.

  2. L’une et unique Église n’existerait plus depuis les séparations et serait donc à reformer.

Or, d’après le concile « cette unité, le Christ l’a accordée à son Église dès le commencement.[7]» Elle subsiste de façon inamissible dans l’Église catholique.

CONCLUSION

« L'Église est une, c'est nous qui sommes divisés », entend-on souvent et à juste titre dès que l'on parle de l'unité de l'Église. Nous n'avons ici traité cette question que d’un point de vue dogmatique. L'Église est une et unique ontologiquement, mais moralement divisée en raison du péché de ses membres. C'est pourquoi le concile note : « le Christ a accordée [l'unité] à son Église dès le commencement. Nous croyons que cette unité subsiste de façon inamissible dans l’Église catholique et nous espérons qu’elle s’accroîtra de jour en jour jusqu’à la consommation des siècles.[8]» A cet égard, la plénitude catholique reconnue au plan dogmatique ne garantit pas une fidélité indéfectible de chacun des membres de l’Église catholique romaine à cette plénitude. En sens inverse, la limitation des moyens de grâce et des éléments de vérité dans les communautés séparées n'empêchent pas nécessairement les membres de ses communautés de parvenir à la sainteté.

BIBLIOGRAPHIE

  • Catéchisme de l'église catholique, N° 811-822.
  • Concile œcuménique Vatican II,
    • Constitution dogmatique sur l’Église, Lumen gentium, n° 8.
    • Décret sur l’œcuménisme, Unitatis redintegratio, n° 2-4.
  • Soujeole de la B.-D., :
    • Le sacrement de la communion, Paris, 1998, p. 80-89/363-379.
    • « Et pourtant…, elle subsiste ! », RT 100 (2000), p.531-549.
    • Cours d'ecclésiologie, Fribourg, 2006.

[1] "Je crois en l'Église, une, sainte, catholique et apostolique."

[2] CEC 811.

[3] De Orat. Dom. 23: PL 4, 553. Cf. LG 4.

[4] Cf. UR 2.

[5] Ibid. 4.

[6] Cf. LG 8,2.

[7] UR 4,3.

[8] Ibid. 4,3.